Suite au naufrage d’une embarcation le 14 décembre 2022 dans la Manche ayant causé la mort d’au moins quatre personnes et au vu des éléments à disposition, Utopia 56 dépose plainte pour homicide involontaire et omission de porter secours auprès du parquet de Boulogne-sur-Mer contre :
- Marc Veran, préfet maritime de la Manche et de la Mer du Nord
- Olivier Drevon, directeur du C.R.O.S.S. GRIS NEZ
- Claire HUGUES, directrice de Her Majesty’s Coastguards
- Ainsi que tout autre auteur ou co-auteur que l’enquête viendrait à déterminer.
Dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022, à 02h55; l’équipe d’astreinte d’Utopia 56 à Grande-Synthe a reçu une géolocalisation en eaux françaises avec un message audio de détresse : “Bonjour frère, nous sommes dans un bateau et nous avons un problème, s’il te plaît aide-nous. Nous avons des enfants et une famille à bord. De l’eau entre dans le bateau, nous n’avons rien pour le sauvetage, pour la sécurité. S’il te plaît, aide-moi frère, s’il te plaît, s’il te plaît. Nous sommes dans l’eau, il y a une famille. »
Utopia 56 a alors alerté d’abord la préfecture maritime par téléphone, puis les secours français et britanniques par e-mail à 3h13 avec la mention “Nous avons effectué une évaluation de la situation et nous pensons que celle-ci répond aux critères requis par la Convention de recherche et de sauvetage de 1979 pour déclarer une « situation de détresse ». La préfecture maritime reprend également le déroulé des alertes que nous avons effectuées dans un communiqué dès le lendemain.
À 4h20, soit déjà plus d’une heure après notre première alerte, un message « Mayday » est émis par les garde-côtes britanniques pour alerter qu’une embarcation est en train de couler avec des naufragés à la mer. Il est trop tard, au moins quatre personnes décèdent à la suite de ce naufrage, dont seul un corps a pu être identifié, cinq autres personnes seraient toujours portées disparues et 39 ont pu être secourues.
Plusieurs survivants rapportent avoir essayé de contacter d’eux-mêmes les secours français sans résultat, alors que l’eau atteignait leurs genoux seulement 30 minutes après leur départ et avoir tenté d’obtenir de l’aide de navires français sans succès. Un rapport détaillé de cette nuit-là a été rédigé par l’organisation Alarm Phone.
“Les autorités cherchent en permanence à se dédouaner, alors que ces drames, comme l’existence de réseaux mafieux, sont les conséquences directes de l’action publique à la frontière. Si nous portons plainte aujourd’hui, c’est avec l’espoir de ne plus jamais avoir à le faire.” Nikolaï Posner, porte-parole d’Utopia 56.
Cette plainte fait tristement écho au naufrage du 24 novembre 2021 dans La Manche, où au moins 27 personnes étaient décédées, pour lequel Utopia 56 avait déjà porté plainte. Une enquête est toujours en cours et sept militaires français sont mis en examen. Une enquête du journal Le Monde rapporte par ailleurs comment la marine nationale a tenté d’interférer dans l’enquête judiciaire.
Parallèlement à ces drames, en janvier 2024, les traversées de la Manche ont augmenté de 13% par rapport à janvier 2023 et le nombre de personnes décédées à la frontière est lui passé de un à six sur les mêmes périodes. Face à cette réalité et aux moyens humains et financiers dédiés à la répression à cette frontière, l’État doit immédiatement et impérativement travailler à l’ouverture de voies sûres de passage, seule solution réelle pour mettre fin aux morts, aux souffrances et aux réseaux criminels.
Alors que ce 6 février se tient la journée mondiale de lutte contre le régime de mort aux frontières, nous demandons qu’une enquête soit ouverte afin d’apporter vérité et justice sur ce drame.