Par une décision prise le 12 octobre, le tribunal administratif de Lille a annulé trois des arrêtés préfectoraux interdisant les distributions gratuites de repas et d’eau à certains endroits de Calais et de ses alentours. Il s’agit d’une victoire pour les acteur.ice.s solidaires des personnes en situation d’exil à la frontière franco-britannique.
Cette décision qui selon notre avocat M. Patrice Spinosi “est un précédent déterminant”, portait sur les arrêtés concernant la période du 1er octobre au 12 janvier 2020, ils ont été renouvelés quasiment tous les mois jusqu’en septembre 2022. A travers eux, ce sont entre 300 et 1500 personnes en situation d’exil bloquées à la frontière qui sont ciblées au quotidien et parmi elles, des mineurs non accompagnés, des familles, des femmes seules et des hommes isolé·es en situation particulièrement précaires.
Les lieux de vie visés sont pour la plupart délaissés par les services de l’État et l’accès à l’eau et à la nourriture n’est rendu possible que par l’engagement de structures indépendantes qui agissent malgré la limite de leurs ressources et la répression accrue qu’elles connaissent.
Par sa décision, le Tribunal administratif reconnaît que “Les distributions assurées par l’Etat sont quantitativement insuffisantes ” quelque soit le nombre de personnes dépendantes de ces distributions et que les arrêtés n’ont pour seul effet que “ de compliquer considérablement la possibilité pour ces populations précaires d’accéder, à des distances raisonnables de leurs lieux de vies qui soient compatibles avec la précarité de leurs conditions, à des biens de première nécessité ”.
Il s’agit d’une avancée pour la reconnaissance du caractère indispensable des activités des associations indépendantes tant que l’Etat n’assurera pas les services essentiels de distributions d’eau et de nourriture aux personnes exilées bloquées à la frontière.
Ces arrêtés ne sont qu’un des nombreux outils utilisés par la Préfecture pour entraver les activités des personnes solidaires à la frontière. Entre janvier et août 2022, Human Rights Observers a enregistré 215 formes d’intimidation de la part des autorités envers les acteur.ice.s solidaires à Calais incluant les éloignements forcés des lieux de vie des bénévoles, des contrôles d’identité, les fouilles de véhicules, les demandes d’arrêt de distribution pour la plupart justifiées par les arrêtés préfectoraux. A titre d’exemple, le Calais Food Collective a reçu plus de 1500 euros d’amendes sur leurs véhicules depuis 2022 à l’occasion de leurs activités de distribution d’eau et de nourriture des personnes dans le besoin.
Par ces mesures, l’État cherche à faire perdurer le harcèlement des personnes exilées présentes à Calais et ses alentours, dégrader leurs conditions de vie et les dissuader de rester dans la ville et sur le littoral. Aujourd’hui, les conditions de « non-accueil » ont des effets concrets sur la santé des personnes, dont la santé psychique, cela atteint à la dignité humaine et accentue les vulnérabilités des personnes.
Cette victoire est très importante pour tout ce que ces arrêtés ont représenté à Calais : l’entrave à la solidarité, l’empêchement d’un accès minimal au droit et aux services de premières nécessités pour les personnes exilées et leur criminalisation et celle de leurs allié.e.s.
Nous demandons aux autorités de mettre en place des conditions d’accueil des personnes exilées dignes et humaines et nous continuerons à dénoncer la violence institutionnelle et les politiques de non-accueil à la frontière franco-britannique.
Signataires :
Auberge des Migrants, Calais Food Collective, La Cimade, Collective Aid, Emmaüs France, Fondation Abbé Pierre, Human Rights Observers, LDH France, Médecins du Monde, Refugee Women Center, Salam Nord/Pas-de-Calais, Secours Catholique Caritas France et Secours catholique – délégation du Pas-de-Calais, Utopia 56, Woodyard