Le 29 novembre 2022 le bidonville « des berges de la Garonne », près d’Empalot a été évacué par les forces de l’ordre et les services de la préfecture.
Depuis le mois de novembre 2021, une centaine de personnes de nationalité albanaise, en demande d’asile pour partie, avait trouvé refuge à cet endroit, subissant par deux fois la montée des eaux de la Garonne. Vivaient ici essentiellement des familles avec enfants, pour la plupart en bas âge, et des habitant.e.s souffrant de pathologies nécessitant un suivi médical régulier. La plupart des enfants étaient scolarisés ou en cours de scolarisation.
Le 2 novembre 2022, le tribunal administratif a ordonné l’expulsion des habitant.e.s sous 15 jours tout en prenant acte de l’engagement de l’État à ne pas expulser sans diagnostic préalable.
En guise de diagnostic, les services préfectoraux n’ont consacré qu’une demi-journée seulement, le 14 novembre 2022, à l’évaluation de la situation des habitant.e.s. Il ne s’agit en aucun cas d’un diagnostic social adapté tel que préconisé par la circulaire du 26 août 2012 et par l’instruction du gouvernement du 25 janvier 2018. Le Défenseur des Droits a rappelé dans une Décision du 4 septembre 2019 que, conformément à ces normes ainsi qu’aux normes européennes et internationales, “Toutes les dispositions doivent être prises pour garantir aux familles et aux personnes isolées que leurs conditions de vie, après le départ de leurs abris de fortune, soient conformes au principe de dignité humaine”. Or, pour cette centaine de personnes, seul un diagnostic administratif rapide a été effectué. Il n’a pas été pris en compte les réalités de vie et difficultés de ces personnes.
Les menaces d’expulsions expéditives, opérées depuis le 10 octobre par les services de l’Etat, ont amené une grande partie de ces personnes à quitter ce bidonville prématurément et à s’invisibiliser encore plus par peur d’être renvoyées en Albanie le jour de l’expulsion. L’exécution de cette procédure porte atteinte à la dignité humaine et à l’ensemble des droits fondamentaux. Le résultat de cette précipitation est la précarisation de populations déjà fragiles. Elle brise ou abîme des parcours de soins importants et met à mal la scolarisation des jeunes enfants. Les services de la préfecture le savent, mais n’ont pas changé de méthode pour autant, malgré les avertissements répétés des associations.
Ce type de procédé est inadmissible quelle que soit la période de l’année, mais il est d’autant plus choquant en période de trêve hivernale. Il faut souligner “l’ironie” de la temporalité, alors que Monsieur Klein, Ministre du logement, écrivait dans un courrier du 10 novembre 2022 adressé aux préfets de région et de département : « Lorsque des opérations d’évacuations de bidonvilles n’ont pu être construites en amont, vous veillerez également à prévoir systématiquement des solutions d’hébergement pour les enfants et leurs familles ». Et ce quelque soit le statut administratif des personnes.
Par ailleurs, le 19 octobre dernier, Madame Caubel, Secrétaire d’État à l’enfance et Monsieur Klein, s’engageaient à ce que plus aucun enfant ne dorme dehors cet hiver.
Comment, au regard de ces directives ministérielles, la préfecture de Haute-Garonne peut continuer à mener ce type d’expulsion ? Il est fondamental et urgent que l’Etat et les collectivités locales travaillent sur une réelle stratégie de résorption des bidonvilles, respectueuse des personnes et des droits fondamentaux.