Bonjour,
Nous vous remercions, au nom des jeunes, d’être venus nous rendre visite ce soir sur le campement où nous vivons.
Nous sommes des jeunes, mineurs, et nous sommes seuls en France. Nous venons de loin, de Guinée, du Bangladesh, du Mali, de la Côte d’Ivoire, du Cameroun. Nous avons entre 15 et 17 ans. Chacun d’entre nous a sa propre histoire, mais il y a plusieurs points communs entre nous :
- Nous n’avons pas choisi de quitter notre pays.
- Nous avions le rêve d’avoir une vie meilleure. Il nous semble que beaucoup de personnes ont ce rêve en commun. Nous sommes jeunes et nous avons l’espoir d’un avenir meilleur. Nous avons donc pris courage pour quitter notre pays et arriver jusqu’en France.
Nos rêves sont pourtant simples : étudier, développer son esprit, s’intégrer. Et après, quand on sera adultes, on pourra travailler et nous débrouiller par nous-mêmes. Nous avons beaucoup souffert sur la route pour venir ici et nous souffrons encore beaucoup. Nous pensions qu’en arrivant dans un pays comme la France, nous serions en sécurité, nous pourrions étudier, nous pourrions tout simplement vivre dignement.
Malheureusement, ça ne s’est pas passé comme on l’avait imaginé : nous avons subi une évaluation au Département. Cette évaluation est difficile pour nous, car on nous pose beaucoup de questions et nous ne sommes pas habitués à ça. Et notre parole est constamment remise en cause. Puis le département nous a dit que nous ne sommes pas mineurs et nous a rejeté dans la rue.
Nous, on espérait juste un bon accueil parce que nous sommes des étrangers et nous ne connaissons pas votre pays. Il paraît qu’on appelle ça la solidarité, ou simplement l’humanité. Depuis que le département nous a rejetés, nous dormons sur ce campement, ici. Il y a des tentes et quelques bâches, mais ça prend quand même la pluie.
Lorsque c’était l’été, on arrivait à se débrouiller, mais depuis qu’il pleut, on est mouillé toute la journée et on a toujours froid. Même la nuit, on ne peut pas dormir tellement il fait froid. On voulait vous expliquer comment se passe la vie ici :
Le matin, le réveil est difficile, quand il y a du gaz, on peut boire un café avec le réchaud. On ne peut pas se laver, car l’endroit où on peut se laver est trop loin, parfois, on se lave avec les bidons, mais avec le froid c’est trop difficile. Certains sont à l’école Utopia le matin et ils ne peuvent pas aller à la douche et c’est aussi fermé le week-end. Pour le repas de midi, certains d’entre nous mangent à la Table de Jeanne Marie et d’autres n’y vont pas, car c’est trop loin à pied avec le temps en ce moment.
L’après-midi, quand c’est ouvert, on va au local d’Utopia pour laver nos habits et cuisiner notre repas du soir. Et on repart avec le repas qui est devenu froid avant qu’on ait le temps de le partager pour manger le soir. Le soir, avant le repas, on doit aller puiser l’eau sur la place Rabelais avec des bidons. Chaque jour, on s’organise avec une tâche pour chaque jeune (l’eau / le partage du repas / etc…).
Une fois le repas terminé, on va vite dans nos tentes parce qu’il fait trop froid, mais dans la tente aussi. Et quand il pleut, ça fait beaucoup de bruit sur la tente. Aussi, on ne peut pas charger nos téléphones, alors on n’a rien à faire et on ne peut pas être contacté. Maintenant que vous avez une idée de notre quotidien depuis notre arrivée à Tours nous voulions vous partager nos demandes :
Nous, ce que l’on demande pour nous aujourd’hui mais aussi pour tous les jeunes, c’est le respect de nos droits humains et de notre dignité. Nous ne voulons plus survivre, mais vivre. Notre recours dure très longtemps et nous voudrions que ce soit plus rapide.
Nous sommes comme vous, comme vos enfants, vos sœurs et frères et avons les mêmes besoins :
- un toit pour dormir au chaud, pour redevenir nous même ;
- aller à l’école, c’est très important pour avoir une bonne instruction ;
- un accompagnement pour nos démarches et pour pouvoir nous intégrer ;
Jamais nous n’aurions pensé qu’on allait dormir dehors ici. Pour nous, le pire était passé et le meilleur était à venir ici en France, dans un pays libre, ou les droits sont respectés, où il n’y a pas d’injustices.
Nous vous appelons à l’aide pour transmettre notre message aux personnes qui pourront nous aider à ne pas rester dans cette situation.
Encore merci de nous avoir écoutés et de venir partager ce repas avec nous ce soir.