M. avait seulement 27 ans. Avec sa compagne, ils ont parcouru des milliers de kilomètres depuis l’Érythrée avant d’arriver dans un campement où survivent plus de 400 femmes, hommes et enfants, dans une forêt de Grande-Synthe, aux portes de l’Angleterre.
Ce jeudi, comme plus de 1 700 personnes la semaine passée, ils ont tenté de traverser les 34 km qui les séparent de l’espoir d’une vie libre et en paix. A 6h du matin, ils ont embarqué dans un petit bateau au côté de 34 autres personnes dont 4 enfants. Certains venaient du Soudan, d’autres du Vietnam, d’Érythrée, d’Algérie ou d’Irak.
Ce matin-là, à cause d’une mer très agitée, l’eau a commencé à entrer dans le bateau. Afin de l’alléger, M. et quatre autres se sont jetés à l’eau, essayant de revenir sur la côte à la nage.
À l’arrivée des secours, M. a été hélitreuillé en urgence à l’hôpital de Calais. Les autres naufragés ont été embarqués à bord d’un navire de la marine nationale française.
Au port de Dunkerque, les équipes d’Utopia 56 de Grande-Synthe, prévenues de l’arrivée des rescapés, ont d’abord vu descendre des personnes secourues plus tôt, d’une autre embarcation. Certaines avaient les vêtements encore mouillés et les pieds nus. Nos équipes bénévoles leur ont donné des chaussures et ont accompagné ceux de moins de 18 ans, laissés livrés à eux-mêmes, vers les services de la protection de l’enfance, afin qu’ils soient pris en charge pour la nuit. Les autres, pour qui aucun accompagnement n’a été mis en place, sont retournées dans les campements insalubres de Grande-Synthe et de Calais.
Dans un second temps, les passagers au côté de M. ont presque tous été interpellés par la police aux frontières : l’État français a lancé une procédure pour «homicide involontaire» et «aide à l’entrée et au séjour irrégulier» à l’encontre de ceux ayant organisé cette traversée. L’État cherche un coupable, quand c’est tout un système qui l’est.
Au départ de la police et des pompiers, quatre femmes, un homme et quatre enfants sont restés sur le quai du port. Parmi elles, la compagne de M.. Elle ne savait ni où il était, ni comment il allait.
M. venait de décéder à l’hôpital, les secours n’auront pas réussi à le réanimer.
La politique de la France et du Royaume-Uni aux frontières tue. Pourtant, les États intensifient leur politique de répression, entraînant le développement des réseaux de passage et la mise en danger de personnes déjà vulnérables, à l’encontre des lois, des conventions internationales et de valeurs fondamentales.
Chaque année, dans la Manche, comme en Méditerranée, des femmes des hommes et des enfants perdent la vie en quête de liberté. Nous pouvons et nous nous devons d’y mettre fin en construisant des voies de passages sûres et légales, ainsi qu’un accueil solidaire et respectueux des droits fondamentaux de toutes et tous.
Nos pensées vont à la compagne, à la famille et aux proches de M.
Ce dimanche, une cérémonie s’est tenue à 17h sur le parvis des Droits de l’Homme à Dunkerque, à la mémoire de ce jeune homme et de toutes les personnes décédées à nos frontières.