Mercredi soir, 195 personnes sans-abri, dont 54 enfants, se sont présentées à notre permanence à Paris. Toutes cherchaient à ne pas passer la nuit dehors.
Une situation qui ne fait que s’aggraver ces derniers jours.
Grâce à notre réseau d’hébergements solidaires, Utopia 56 a pu mettre à l’abri 160 personnes, soit 75 familles. Mais pour au moins 35 personnes, nous n’avions plus de place et elles ont dû passer la nuit dehors. Et cela ne prend en compte que celles qu’Utopia 56 a pu rencontrer.
Le lendemain, jeudi, 210 personnes, dont 72 enfants, se sont à nouveau présentées. Nous avons fait au mieux pour accueillir jusqu’à 188 personnes, dont 87 familles.
C’est déjà une forte réponse citoyenne, même si ce n’est pas assez face au nombre de personnes sans-abri à Paris.
À quelques semaines de la fin de la trêve hivernale, tous nos hébergements et lieux d’accueil sont pleins, et nous n’arriverons pas à pallier outre mesure.
Pire, il arrive que des personnes soient directement orientées vers nous par les pouvoirs publics eux-mêmes. La mairie de Paris est notamment responsable de l’hébergement d’urgence de profils très vulnérables (les femmes enceintes ou les familles avec un nouveau-né par exemple) mais faute de places disponibles, elle redirige les personnes vers les associations.
Les maigres solutions que nous proposons ne sont pas suffisantes. Il ne s’agit pas de solutions pérennes, mais bien d’une réponse dans l’urgence, pour mettre à l’abri, le temps d’une nuit, les personnes que nous rencontrons.
Cela ne peut devenir une réponse de la part de l’État qui ne doit pas se reposer sur les associations et les mouvements citoyens, mais bien trouver des solutions pour respecter le droit. En laissant à la rue toutes ces personnes, le gouvernement français, les préfectures, les mairies, sont dans l’illégalité, comme le montre de nombreux recours gagnés par les avocats travaillant sur les dossiers d’une partie des familles.
Avoir un toit est une priorité : pour éviter des problèmes de santé, pour pouvoir être dans de bonnes conditions pour étudier et aller à l’école, pour se reposer, rester propre, dormir, et pouvoir s’investir dans son travail. Avoir un toit, c’est un refuge, un abri, c’est aussi la possibilité de cuisiner, de passer du temps en famille sans être constamment sur le qui vive des dangers de la rue, et avoir un minimum d’intimité.
Le droit à un hébergement d’urgence digne et pérenne est un droit inconditionnel.
Le gouvernement n’est pas démuni, il peut faire le choix de renforcer sa capacité d’hébergement d’urgence plutôt que de fermer des places en sachant que des centaines d’enfants dorment déjà dehors ; il pourrait aussi faire le choix d’appliquer la loi de réquisition afin que les trop nombreux bâtiments inutilisés puissent permettre de mettre à l’abri des familles. Laisser autant d’hommes, femmes et enfants dehors, c’est un choix.