Ce lundi, à Londres, débutent les audiences de l’enquête publique (Public Inquiry) sur le naufrage du 24 novembre 2021, qui a coûté la vie à 31 personnes, dont quatre restent portées disparues. Une démarche inédite, supportée par les familles de victimes, visant à faire toute la lumière sur cette tragédie.
Cette nuit-là, 33 personnes ont pris la mer à bord d’une embarcation de fortune, dans l’espoir de rejoindre le Royaume-Uni. Malgré des dizaines d’appels à l’aide adressés aux secours français et britanniques, aucun dispositif de sauvetage n’a été déployé, et 31 personnes ont perdu la vie. En France, sept militaires et quinze membres présumés du réseau de passeurs ont été mis en examen dans le cadre de l’enquête.
Au Royaume-Uni, cette commission indépendante, dirigée par le juge d’instruction Ross Cranston, se déroule en parallèle des procédures pénale et administrative françaises. Son objectif vise à éclaircir les circonstances de ce drame, d’en identifier les responsabilités et de formuler des recommandations à destination des autorités britanniques afin qu’un tel drame ne puisse plus se reproduire. Les autorités françaises, quant à elles, ont refusé de coopérer à cette enquête.
Dès mardi, Issa Mohammed Omar, l’un des deux seuls survivants du naufrage, sera entendu. L’enquête française avait notamment révélé les propos du directeur du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage à l’encontre des deux personnes rescapées : « J’aurais préféré qu’ils soient morts. ». Aujourd’hui, Issa Mohammed Omar vit en France, malade, sans papiers, hébergé par des amis et sans aucune ressource financière.
S’ensuivront les auditions d’une dizaine de membres des gardes-côtes et des services de secours britanniques, dont la personne chargée de répondre aux appels de détresse cette nuit-là.
Toutes les audiences sont publiques et accessibles en direct. L’ensemble des contributions, y compris celles d’Utopia 56, ainsi que les éléments de l’enquête préliminaire, devraient être publiés progressivement sur un site dédié au fil des auditions.
« Plus de trois ans après ce drame, Utopia 56 est soulagée de voir ces audiences enfin se tenir, offrant une avancée vers la vérité et, nous l’espérons, vers la justice. Au-delà des innombrables fautes individuelles mises en évidence dans ce dossier, nous espérons que cette procédure puisse exposer les conséquences d’un système politique mortifère qui stigmatise et déshumanise les personnes en situation de migration, au mépris des vies humaines et d’un cadre de valeurs élémentaires. » — Nikolaï Posner, Membre du conseil d’administration d’Utopia 56
Au moins six familles de victimes seront présentes aux audiences qui se poursuivront jusqu’au 27 mars.
Si les pratiques en mer des autorités françaises et britanniques ont évolué, elles n’ont eu pour seul effet que d’accentuer les risques et d’augmenter la mortalité. Depuis ce drame, le nombre de personnes décédées dans la Manche n’a cessé d’augmenter, atteignant 79 personnes en 2024.
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Nom et Age des victimes :
Bryar Hamad Abdulrahman, 23 ans
Mhabad Ahmad Ali, 32 ans
Mohamed Hassan Elsaey Mohamed Ali
Sirwan Alipour, 23 ans
Maryam Nuri Mohamed Amin, 24 ans
Mohammed Qadir Aulla, 21 ans
Bilind Shukir Baker, 20 ans
Ahmad Didar, 27 ans
Pishtiwan Rasul Farka, 18 ans (disparu)
Meron Hailu Gebrehiwot, 22 ans
Shikh Halima, 23 ans
Muslim Ismael Hamad, 19 ans
Rezhwan Yasin Hassan, 19 ans
Tahna Husain, 24 ans
Hasti Rzgar Hussein, 7 ans
Mubin Rzgar Hussein, 16 ans
Hadiya Rzgar Hussein, 22 ans
Kazhal Ahmed Khidir, 46 ans
Shawali Kochy, 26 ans
Zanyar Mina, 20 ans (disparue)
Deniz Afrasia Ahmed Mohammed, 27 ans
Mohammed Hussein Mohammed, 19 ans
Twana Mamand Mohammed, 18 ans (disparu)
Hassan Muhammed, 37 ans
Harem Serkaut Perot Muhammad, 28 ans
Gomaa Gaber Mohamed Ahmed Nada
Mayar Muhammad Naeem, 46 ans
Shakar Ali Pirot, 30 ans
Fikiru Shiferaw, 46 ans
Niyat Ferede Yeshiwendm, 22 ans
Un homme anonyme (disparu)