Alors que le débat sur le projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » va s’ouvrir au Sénat (en mars) puis à l’Assemblée nationale, des associations et collectifs déplorent le contenu du projet de loi. En trente ans, plus de vingt textes se sont succédés (le dernier ne datant que de 2018), allant dans le sens continu d’une détérioration des conditions d’accueil et des droits des personnes exilées.
Ce document présente une série de recommandations pour une politique migratoire, respectueuse de la dignité et des droits fondamentaux.
Ce document est issu d’un travail inter-associatif porté par 33 associations et accompagné par Vox Public.
1- Accès au territoire et situation aux frontières
- Assurer le droit à la mobilité pour toutes et tous par des politiques migratoires respectueuses des droits fondamentaux des personnes (notamment par le respect du droit de vivre en famille et la délivrance non-discriminatoire de visas).
- Défendre le principe de la libre circulation pour toutes et tous dans l’Espace Schengen.
- Mettre fin au rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, régime supposément temporaire et exceptionnel qui dure depuis plus de 8 ans, en contradiction avec le droit de l’union européenne.
- Accueillir toute personne aux frontières afin d’examiner avec attention et impartialité chaque situation et d’assurer le respect des droits de toutes et tous.
- Mettre fin aux pratiques illégales aux frontières et notamment les contrôles discriminatoires, les procédures irrégulières, la détention arbitraire, les refoulements, les violences policières…
- Cesser de criminaliser la solidarité.
- Respecter l’obligation de porter secours aux personnes en danger aux frontières et les conduire dans un lieu sûr (hors lieu d’enfermement) respectant leurs droits fondamentaux sans délais.
- Assurer le respect et la dignité des personnes décédées aux frontières et de leurs proches, par la prise en charge par les autorités françaises de l’identification des personnes décédées, la recherche et l’information de leurs familles, le rapatriement des corps, ainsi qu’une information transparente et indépendante sur les circonstances du déroulement des drames aux frontières.
2- Séjour et dématérialisation
Pour un droit au séjour large et durable :
- Inscrire dans la loi des conditions précises de régularisation et prévoir le droit à un titre de séjour sans examen discrétionnaire des préfet·es et une application égale et homogène sur l’ensemble du territoire national.
- Supprimer l’empilement des conditions restrictives au séjour qui pèsent sur de nombreuses catégories de personnes étrangères, entre autres les conjoint·es de Français·es, les parents d’enfants français·es, ou encore les personnes sollicitant le regroupement familial.
- Élargir les conditions d’accès à un premier titre de séjour permettant la régularisation de celles et ceux qui vivent sur le territoire français au titre de la vie privée et familiale, y exercent ou souhaitent y exercer une activité professionnelle, y font des études, ou encore ont besoin de protection internationale non couverte par le droit d’asile.
- Renforcer l’accès à la carte de résident, supprimer les titres de séjour délivrés pour quelques mois et prévoir, dès l’admission au séjour de toute personne, la délivrance d’un titre de séjour pluriannuel autorisant l’exercice de toute activité professionnelle.
Pour une simplification de la procédure d’accès aux titres de séjour :
- Prévoir des modalités alternatives et effectives aux procédures dématérialisées par voie postale ou physique, et des dispositifs d’accompagnement au numérique, afin de palier les difficultés d’accès et de maîtrise des outils numériques imposés par l’administration.
- Donner les moyens budgétaires aux services « séjour » afin que le personnel affecté soit formé et en nombre suffisant pour permettre à l’ensemble des personnes étrangères d’enregistrer leur demande et d’obtenir une décision dans un délai raisonnable et pour rendre accessible les dispositifs d’accompagnement au numérique afin d’aider à la constitution et au suivi de la demande de titre de séjour.
3- Éloignement et enfermement
- Fermer tous les lieux d’enfermement spécifiques aux personnes étrangères, notamment les centres et locaux de rétention administrative, les zones d’attente et les locaux dits « de mise à l’abri ».
- Mettre immédiatement fin à l’enfermement – sous quelle que forme que ce soit – de toutes les personnes étrangères mineures, aux frontières comme sur l’ensemble du territoire (y compris à Mayotte), qu’elles soient accompagnées ou isolées.
- Mettre en place des procédures et des délais de recours compatibles avec l’exercice du droit au recours effectif.
- Permettre l’exercice effectif des droits des personnes étrangères et assurer un contrôle juridictionnel effectif.
- Mettre fin à la délivrance systématique d’obligation de quitter le territoire français (OQTF) et supprimer les interdictions de retour (IRTF) , qui constituent un obstacle de plus à toute perspective de régularisation ou de retour sur le territoire.
- Abolir la double peine qui constitue une peine discriminatoire supplémentaire basée sur la seule nationalité et donc qui constitue une rupture d’égalité devant la loi.
- En finir avec l’instrumentalisation de la menace à l’ordre public.
- Assurer en toutes circonstances les droits fondamentaux parmi lesquels le droit à la vie, le droit à la santé, le respect de la vie privée et familiale, les droits de l’enfant.
- Supprimer l’ensemble des infractions visant spécifiquement les personnes étrangères.
- Supprimer les mesures présentées abusivement comme « alternatives à l’enfermement », au premier rang desquelles l’assignation à résidence, qui précarisent les personnes étrangères et portent atteinte à leurs libertés.
4- Asile
- Garantir aux demandeurs et demandeuses d’asile la possibilité de voir leur demande examinée dans le pays de l’Union européenne de leur choix
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- Condition n° 1 : le principe de non-refoulement garanti par l’article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 doit être respecté pour toute personne en quête de protection
- Condition n° 2 : permettre aux personnes d’accéder de manière sûre au territoire européen aux fins de demande d’asile
- Condition n° 3 : le libre choix du pays d’asile par la personne demandant l’asile
- Condition n° 4 : une application pleine et entière de la convention de Genève du 28 juillet 1951
- Condition n° 5 : une procédure « nécessitant des garanties effectives et un traitement adapté »
- Condition n° 6 : un recours effectif et suspensif pour toutes les demandes d’asile
- Condition n° 7 : la prise en compte des risques encourus par les débouté·e·s du droit d’asile en cas de retour dans leur pays
- Garantir les droits des demandeurs et demandeuses d’asile et des personnes bénéficiaires d’une protection
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- Condition n° 8 : des conditions de vie dignes et un accès aux soins dans le respect du choix des demandeurs et demandeuses d’asile
- Condition n° 9 : un accès immédiat à la langue, au marché du travail et à la formation
- Condition n° 10 : les conditions d’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile ne doivent pas porter atteinte à la liberté des personnes
- Condition n° 11 : le renforcement des droits des personnes protégées
- Condition n° 12 : un accès à la procédure d’asile et une prise en charge effective des mineur·e·s non accompagné·e·s
- Garantir le droit à l’assistance, le droit de participer à la société et favoriser les actions de solidarité
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- Condition n° 13 : pouvoir recevoir de l’aide quelle que soit sa situation administrative
- Condition n° 14 : assurer le droit des personnes exilées à participer à la société
- Condition n° 15 : favoriser l’émergence d’une société accueillante et solidaire des personnes exilées
5- Accès aux services essentiels
5.1. Accès à l’information :
- Garantir une information suffisante, fiable et dans une langue comprise par les personnes, sur l’existence des droits et services essentiels disponibles et les modalités pour y accéder.
5.2. Accès à l’interprétariat et à la traduction :
- Garantir l’accès à l’interprétariat professionnel et la traduction de tous les documents nécessaires à l’exercice effectif des droits.
5.3. Accès à la domiciliation:
- Rendre effectif le droit à la domiciliation et à un accompagnement social pour les personnes sans domicile stable.
5.4. Hébergement :
- Respecter l’inconditionnalité et la continuité de l’hébergement
- Mieux doter les programmes d’hébergement et de logement social afin que tous et toutes puissent y avoir accès.
- Mettre fin à l’accumulation des dispositifs d’hébergement conditionné au statut administratif des personnes.
- Garantir des conditions d’hébergement dignes, de qualité et sans ruptures : limiter le recours à l’hôtel, en particulier pour les familles, assurer le recours à l’interprétariat professionnel, prendre en compte la situation socio-familiale des personnes en particulier l’accessibilité du lieu d’hébergement par rapport aux lieux de travail, de scolarisation des enfants, des services d’accès aux droits et aux soins.
- Renforcer les moyens des structures d’hébergement pour qu’elles puissent mener à bien leurs missions d’accompagnement social et d’orientation prévues par le Code de l’action sociale et des familles (CASF)
- Refuser toute instrumentalisation de l’hébergement comme outil de contrôle et d’éloignement des personnes.
5.5. Alimentation :
- Garantir un accès digne à une alimentation suffisante et de qualité pour toutes et tous via l’accès à des ressources, financières ou à défaut des dispositifs d’aide alimentaire, suffisantes et adaptées (aide matérielle dans les dispositifs d’hébergement, accès à des dispositifs adaptés d’aide alimentaire dans zones de résidence, accès à des ressources financières suffisantes).
5.6. Santé :
- Assurer un accès effectif de toutes et tous à la santé par une affiliation immédiate à la protection universelle maladie (Puma) et à la complémentaire santé solidaire, ce qui nécessite d’intégrer les bénéficiaires de l’AME au régime général de la Sécurité sociale et de supprimer le délai de carence des demandeur.euses d’asile imposé par la réforme de 2019.
- Renforcer les structures publiques de prise en charge et de prévention (hôpitaux publics, Pass, PMI, CeGIDD, CLAT, CMP, EMPP, etc.) et leur donner les moyens de fonctionner à la hauteur des besoins de santé des personnes, afin de garantir un accès aux soins de qualité quel que soit leur statut administratif.
- Garantir et financer le recours à l’interprétariat professionnel dans l’ensemble des structures médico-sociales ainsi qu’auprès des professionnel·les libéraux. Sensibiliser les professionnels du soin au recours à l’interprétariat physique, par téléphone ou visio-conférence et les former aux enjeux liés à la médiation d’un ou une interprète.
- Développer les actions « d’aller-vers » et la médiation en santé, qui est le meilleur moyen de lutter contre le non-recours et de rendre possible le suivi du parcours de soins des personnes les plus éloignées des soins
- Proposer des consultations psychologiques et psychiatriques dans les Pass généralistes et développer les Pass psychiatriques en incluant le suivi social et le soin
- Diversifier les approches et expérimenter des prises en charge innovantes : proposer des activités psycho-sociales collectives et individuelles, groupes de paroles, art-thérapie, ateliers d’écritures, thérapie communautaire intégrative.
5.7. Accès à l’apprentissage du français :
- Supprimer tout lien entre titre de séjour et niveau de langue
- Renforcer les moyens financés par l’État pour permettre à chaque personne qui en a besoin d’accéder gratuitement à des cours de français.
5.8. Accès à l’éducation et à la formation :
- Assurer l’accompagnement des personnes étrangères pour favoriser leur insertion sociale et professionnelle.
6 – Situation en outre-mer
- Supprimer le régime d’exception en outre-mer et aligner la législation applicable sur le régime de droit commun.