À 01h15, dans la nuit du 22 au 23 août, l’équipe d’Utopia 56 a été appelée sur sa ligne d’urgence pour une situation de violences policières envers des personnes exilées. Human Rights Observers (HRO), projet soutenu par l’Auberge des Migrants et Utopia 56 ont depuis saisi le procureur de Boulogne-sur-Mer afin que les auteurs des violences puissent être identifiés et jugés.

Les faits suivants sont issus du récit raconté par les personnes victimes aux équipes de HRO et Utopia 56 :

Cette nuit-là, un groupe de personnes exilées, originaires d’Érythrée, s’est rendu sur le parking d’une station service de Calais afin d’essayer de monter dans un camion avec l’espoir de rejoindre le Royaume-Uni. Une fois sur place, à la vue d’un camion de CRS, une partie du groupe fait demi-tour, et seules deux personnes, âgées de 18 ans, restent.

Lorsque les CRS arrivent à leur niveau, l’un des policiers porte un premier coup au visage à chacune des deux personnes. Les CRS saisissent les deux personnes par les bras pour les emmener dans une rue latérale à l’abri des caméras, ce qui constitue un acte de préméditation. Un des agents a alors porté un nouveau coup violent au visage de l’une des personnes, qui est tombée au sol. Après avoir mis la seconde personne à terre, environ 7 CRS leur ont donné de nombreux coups de pieds au sol. Les CRS sont repartis en riant, laissant les deux personnes blessées au sol.

Les amis des victimes sont ensuite revenus auprès d’elles et ont appelé Utopia 56, afin de leur signaler les violences. Un fourgon de la compagnie de CRS V/54, arrivé sur les lieux après les violences, était présent lorsque les bénévoles d’Utopia 56 arrivent sur place. L’une des victimes était toujours au sol, du sang sur le visage. Les pompiers ont été contactés et ont transporté l’une des victimes à l’hôpital. 

Le certificat médical établi dans la nuit par un médecin de l’hôpital de Calais fait état de saignements et d’une déviation de l’arête nasale (fracture), de douleurs à la palpation thoracique, ainsi que de douleurs scrotales.

Dans la matinée du 23 août,  l’association l’Auberge des Migrants a reçu l’appel anonyme d’une personne se présentant comme CRS à Calais et souhaitant dénoncer les violences de la nuit précédente : “C’est une autre section, un autre véhicule de la CRS 54, ils font passer cela pour un accident c’est inacceptable, ils ont laissé le pauvre comme un chien abandonné, c’est ce genre de collègues qui nous font énormément de tort”. En 2020, à Calais, le témoignage de gendarmes avait déjà permis d’obtenir une condamnation suite à des vols avec violences de la part de leurs collègues.

À la demande de HRO, le Défenseur des droits a confirmé avoir fait le nécessaire pour la conservation des enregistrements des caméras de surveillance de la station-service où les violences ont commencé.

Le 31 août, un signalement contenant l’ensemble des éléments a été porté à l’attention du procureur de Boulogne sur Mer, Monsieur Guirec Le Bras.

Le 9 octobre 2021, le ministre de l’intérieur déclarait : « […] Ce que je peux dire, c’est que malgré tous les procès d’intention qu’on fait aux forces de l’ordre, je constate que pas un policier et pas un gendarme sur la côte littoral n’a été poursuivi par la justice ». Comme mentionné dans un communiqué inter-associatif du 26 octobre 2021  “Violences policières : à Calais, Darmanin ment !”, au moins cinq membres des forces de l’ordre ont déjà été condamnés depuis 2015.

Les témoignages de violences policières à Calais sont courants, mais seulement une minorité de ces situations donnent suite à des enquêtes et condamnations. Ces violences sont avant tout le résultat des politiques de harcèlement et de maltraitance menées à la frontière depuis des années. Une politique qui, malgré l’objectif affiché, n’a fait que renforcer les réseaux de passage illégaux au détriment de la protection des personnes exilées et des habitants.

 

Vidéo réalisée par Human Rights Observers :