Chaque soir et depuis plus de cinq ans, des dizaines d’enfants et leurs parents, des femmes enceintes, des personnes en situation de handicap ou de vieillesse à la rue viennent à la rencontre des équipes d’Utopia 56 sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris. Depuis une semaine, grâce à l’avocat Samy Djemaoun, huit référés liberté ont pu être initiés devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris pour demander la mise à l’abri de huit de ces familles.
À chaque fois, le juge a reconnu que l’intérêt supérieur de l’enfant « s’oppose à ce que les enfants des requérants, eu égard à leur très jeune âge soient à la rue à l’entrée de l’hiver sous peine de compromettre leur intégrité physique » ou encore que “l’absence de proposition d’un hébergement revêt le caractère d’une carence constitutive d’une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale”. Les injonctions doivent être exécutées dans un délai variant de 48h à 5 jours.
“L’État reconnaît que 130 places vides en moyenne tous les soirs au centre d’accueil des ukrainiens de la Porte de la Villette. Le 115 est saturé de sorte que des enfants, des femmes enceintes dorment dans la rue sous des températures glaciales pouvant causer leur décès. Le juge des référés refuse pourtant d’ouvrir ces places pour les mettre à l’abri. Pourtant, dans des situations individuelles, le juge des référés a enjoint 8 fois des mises à l’abri. C’est une situation incompréhensible tant humainement que juridiquement.” dénonce Maitre Samy Djemaoun
À chaque audience, la préfecture de la région d’Île-de-France a tenté, en vain, de déconstruire le caractère vulnérable des familles pour finalement argumenter un manque de place disponible : « si on met cette famille à l’abri, on devra en mettre une autre à la rue » se défend l’avocate de la préfecture d’Ile-de-France. Une défense étonnante alors que la continuité de l’hébergement est un droit.
En France, aux termes de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence. » et ce, sans considération de sa situation familiale ou administrative.
Le nombre de places dédié à l’hébergement d’urgence n’est pas une fatalité, le gouvernement, par l’intermédiaire des préfectures, peut décider à tout moment d’en augmenter les capacités, comme de les réduire. À titre d’exemple, la France, au travers de nombreux leviers, a été en disposition d’accueillir dignement 100 000 personnes fuyant les conflits en Ukraine, l’Allemagne 900 000, démontrant ainsi l’écart entre les capacités réelles et la volonté de trouver des solutions.
« La situation de rue est devenue une politique volontaire afin de dissuader les personnes étrangères de chercher une protection sur le territoire français. Cette réalité n’existe nulle part ailleurs en Europe de l’Ouest. » Yann Manzi, Directeur général d’Utopia 56.
Le mercredi 7 décembre, et malgré les prise de paroles du ministère du Logement quant à l’hébergement de tous les enfants à la rue, les équipes d’Utopia 56 ont rencontré 46 familles sans hébergement, représentant 111 personnes dont 39 enfants.
Au nom de la loi et du respect de la dignité humaine, les capacités de l’hébergement d’urgence doivent enfin pouvoir répondre aux besoins réels. Trois nouvelles audiences ont lieu aujourd’hui à 17h au tribunal administratif de Paris.
Annexe – Le 8 décembre 2022 – La France est condamnée par la CEDH en raison du refus de l’administration d’exécuter des injonctions en référé concernant l’hébergement d’urgence.