Depuis le 28 mai, soit 119 jours et nuits, plus de 80 jeunes isolés et à la rue sont mobilisés place de la Bastille à Paris. Avec eux, Utopia 56 mettait la lumière sur le passage par la rue que vivent des milliers de mineurs isolés chaque année en France et en demandait la fin. Hier soir, jeudi 22 septembre, un arrêté de la préfecture de police a interdit cette manifestation sans délai, sans justification valable et sans possibilité de recours suspensif de la décision.
La seule raison avancée dans cet arrêté, communiqué la veille pour le lendemain, fait mention de 50% de cas de scabiose (gale) sur “certains sites” à Paris, sans même mentionner en particulier celui de Bastille. Place de la Bastille, seul 1 cas de scabiose a été diagnostiqué par Médecins du Monde, qui a informé l’Agence Régionale de Santé dans la foulée. Pourtant, selon la préfecture, la situation place de la Bastille « engendre désormais plusieurs épidémies ». Une interprétation contrefaite et fallacieuse dans le but de mettre fin à la visibilisation ces dizaines de jeunes que l’État contraint à la rue.
Les “sites” subissant réellement une épidémie de gale et où “il est observé un nombre important de gales grave, profuses ou surinfectées”, ne seront, pour le moment, ni évacués, ni “mise à l’abri”.
Le 28 mai, le ministre de l’Intérieur avait déjà tenté d’empêcher notre mobilisation, en saisissant le conseil d’État en argumentant : « Il est contraire à la dignité humaine de maintenir sous tentes une trentaine de mineurs » à qui le conseil d’État avait répondu que “l’action en cause vise précisément à attirer l’attention sur l’insuffisance des structures d’accompagnement et d’hébergement des mineurs étrangers’”. Pourtant, malgré 119 jours de mobilisation, la préfecture de région, Charlotte Caubel, secrétaire d’État à la protection de l’enfance, Elisabeth Borne, première ministre, ont toutes ignoré nos alertes et ont refusé l’instauration d’un dialogue.
Jours et nuits, des centaines de bénévoles engagés pour la liberté, l’égalité et la solidarité, se seront relayés sur place. Ensemble, ils auront permis d’éviter d’incessantes situations d’errance, d’isolement et de violence en proposant un espace de premier accueil pour les mineurs à la rue. La solidarité des riverains aura également participé au très bon déroulement de cette mobilisation.
Après une évaluation à charge et des mois à la rue, plus de 66 jeunes passés par le campement de place de la Bastille ont finalement été reconnus mineurs par le juge des enfants et orientés vers l’Aide Sociale à l’Enfance. Cette mobilisation aura également permis la création de 40 places supplémentaires dédiées à des jeunes en période de recours à Paris.
Ce matin, la préfecture de région a orienté les 80 jeunes présents place de la Bastille vers des solutions d’hébergements pour adultes en Ile-de-France. Alors que certains jeunes sont déjà scolarisés, la préfecture a refusé de confirmer la continuité de l’hébergement jusqu’à décision du juge des enfants. Aucune solution n’a été avancé pour les 130 jeunes à la rue dans un autre campement, à Ivry-sur-Seine.
Nous dénonçons et ferons suivre d’un recours juridique ces pratiques d’invisibilisation, d’entrave et de stigmatisation de la part du gouvernement. Alors que des centaines de jeunes isolés continuent de survivre à la rue dans toute la France, nous rappelons à la France son devoir de respect de la présomption de minorité au travers de l’intérêt supérieur de ces enfants.