Hier, jeudi 23 septembre 2021, aux alentours de 07h45 à 12h15, une opération d’expulsion de grande ampleur a été menée sur l’entièreté du site de la Ferme des Jésuites à Grande-Synthe. Les associations Human Rights Observers et Utopia 56 Grande-Synthe étaient sur place pour documenter l’opération et accompagner les personnes exilées. Nous dénonçons la violence de cette opération et la remise à l’errance des personnes exilées.

Sous le regard du sous-préfet de Dunkerque, l’expulsion a été conduite par un huissier de justice et un dispositif policier renforcé incluant une centaine de CRS dont une majorité était équipée de boucliers et LBD, de la Police aux frontières, de la Police Nationale et Municipale, ainsi que d’agents de nettoyage de la société Ramery, des engins de démolition et une benne où toutes les affaires ont été jetées. Malgré un grand nombre de personnes exilées, seulement quatre bus de mise à l’abris et un seul interprète étaient présents. Ni le sous-préfet ni l’huissier présents n’ont voulu nous notifier la base légale de l’expulsion ainsi que des possibles solutions d’hébergement pour les personnes expulsées.

Les membres des associations sur place ont dénombré qu’au moins 500 tentes et bâches, constituant des abris pour les personnes exilées, ont été détruites par l’équipe de nettoyage Ramery. Tous les abris de fortune ont été détruits. Un grand cordon de CRS empêchait l’accès aux personnes exilées voulant récupérer leurs affaires. Environ 700 personnes, y compris des familles et des mineurs non accompagnés, se retrouvent désormais sans abris, et sans proposition d’hébergement d’urgence. Les associations ne pouvant pas pallier les carences de l’Etat par des distributions de tentes.

Depuis des mois, les forces de l’ordre conduisent à Grande-Synthe des opérations visant à expulser les personnes installées dans les bois de la ferme des Jésuites, les obligeant à se regrouper au niveau de la clairière principale. Hier, cette clairière a été expulsée, avec une violence sans nom. Menée sous le couvert d’une opération d’assistance avec mise à l’abri, l’entièreté du terrain a été sujet aux destructions d’abris par des tractopelles et de saisies des biens personnels des personnes exilées, laissant derrière elles : chaussures, brosses à dents ou encore jouets d’enfants dans la boue. Nous voulons dénoncer les violences perpétrées par les agents de nettoyage ; certains équipés de gros couteaux lacéraient bâches et tentes, tandis que leurs collègues aux commandes des tractopelles mettaient la vie des personnes exilées en danger du fait de leur conduite inappropriée (vitesse, destructions de tous les biens présents sur leur passage, éclats de verre projetés aux alentours).

Le 11 février 2021, la Commission Nationale Consultative des Droits Humains rendait public un avis sur la situation des personnes exilées à Calais et Grande-Synthe. Sa première recommandation consistait à ce “qu’aucune opération d’évacuation ne soit réalisée sans que des propositions de mise à l’abri/hébergement adaptées soient formulées avec une information suffisante”. Hier matin, aucun agent de l’AFEJI n’était présent sur le terrain lors de l’expulsion afin d’informer les personnes exilées d’une possible mise à l’abri. Le seul interlocuteur direct des victimes de l’expulsion était l’interprète, n’ayant aucune information tant sur le dispositif des mises à l’abri que sur la destination des bus. Etant donné qu’aucun diagnostic social n’a été réalisé en amont des expulsions à notre connaissance, aucune solution individualisée n’est proposée et les besoins spécifiques des personnes orientées sont insuffisamment pris en compte. Sur près de 800 personnes, seulement quatre bus de mise à l’abri étaient présents. Au total, 70 personnes sont montées, sans connaitre leur destination, le type d’hébergement et la prise en charge proposée. Précarisées davantage, les 700 autres personnes sont maintenant vouées à l’errance, une nouvelle fois.

Depuis 5 ans, ces expulsions récurrentes et banalisées ont pour objectifs principaux de décourager, harceler et violenter des personnes précarisées par une politique migratoire franco- britannique n’accordant aucune valeur à la dignité des personnes exilées.