À Mayotte, les populations les plus précaires sont les premières victimes. 

Plusieurs dizaines de milliers d’habitations ont été détruites : l’équivalent d’une ville comme Nancy, rayée de la carte. Dans ces logements, souvent construits en tôle, vivait une majorité de personnes sans papiers, plongées dans un quotidien marqué par une extrême précarité. À Kawéni, le plus grand bidonville de France, seuls 5000 des 20 000 habitants ont rejoint les abris de secours avant le passage du cyclone.

Dans les médias, plusieurs témoins sur place rapportent : « Elles ont eu peur de quitter leur banga et d’être attrapées pour être reconduites à la frontière après la tempête. » Parmi ces personnes, peu ont également prévenu les secours pour les mêmes raisons : la peur d’être contrôlées. Dans le contexte actuel, cette peur des autorités est tristement légitime.

Mayotte compte officiellement 320 000 habitants, mais des estimations parlent de 100 000 à 200 000 personnes en plus qui seraient invisibilisées car en situation irrégulière. Il s’agit du département français le plus pauvre et les personnes en situation irrégulière, essentiellement originaires des Comores, sont accusées par une partie de la population et des élus de déséquilibrer le peu d’infrastructures et de ressources de l’archipel, et de nourrir un taux de délinquance.

L’histoire complexe de l’ile et de tout l’archipel est à prendre en compte pour comprendre la situation actuelle et les effets de migration: entre colonisation, indépendance, séparation de familles, contrôles des entrées, etc.

Depuis avril 2023, l’opération policière Wuambushu vise à expulser les étrangers en situation irrégulière, à détruire les bidonvilles et à lutter contre la criminalité dans l’archipel. Alors à l’annonce du cyclone, « beaucoup pensaient que c’était un piège qu’on leur tendait (…) pour les ramasser et les conduire hors des frontières. (… Ces gens-là sont restés jusqu’à la dernière minute. Quand ils ont vu l’intensité du phénomène, ils ont commencé à paniquer, à chercher où se réfugier. Mais c’était déjà trop tard, les tôles commençaient à s’envoler. » (Ousseni Balahachi, infirmier à la retraite – source: AFP).

Le dernier bilan provisoire fait état de 35 morts, mais les autorités redoutent des centaines, voire des milliers de victimes. Les secours sont engagés pour tenter de trouver des survivants dans les décombres des bidonvilles, mais la préfecture a déjà annoncé qu’un bilan final sera « très difficile », voir impossible à établir.

« Tous les bidonvilles sont couchés, ce qui laisse augurer un nombre considérable de victimes ».

Il est très probable que certaines ne soient jamais retrouvées ni identifiées. Le seul hôpital de l’île a lui-même subit des dégâts et la communication n’est pas rétablie sur l’ensemble de l’île. Les habitants se retrouvent à devoir se débrouiller, couper du monde, pas d’eau, pas d’électricité, pas d’internet.

Par peur des autorités, il n’y aura certainement pas de manifestation. Par peur des autorités, nous entendrons très peu la voix de ces victimes.

À cette détresse s’ajoutent les attaques du ministre de l’Intérieur qui, plutôt que de se concentrer sur l’urgence humanitaire, n’a pas hésité à orienter sa communication vers la stigmatisation des personnes étrangères, accusées selon lui d’être la cause de tous les maux.

Les politiques de tout bords s’en donnent à cœur joie. À l’image de la prise de parole de Charles de Courson (qui se déclare centriste), trois jours après le passage du cyclone : « Le grand problème de Mayotte, c’est une forme d’invasion de migrants« .

Alors même que les experts et scientifiques annonçaient ces phénomènes intensifiés de catastrophe naturelle liés au réchauffement climatique, rien n’a été fait pour protéger les populations et aujourd’hui le gouvernement préfère à nouveau retourner le discours en pointant du doigt l’immigration, plutôt que de prendre ses responsabilités.

Nul ne devrait avoir à risquer sa vie sous l’emprise de la peur.
Force et courage à tous les soutiens et habitants•es sur l’ile.