Le 5 juin dernier, les premiers ministres français et anglais se félicitaient d’une baisse de 20% des traversées de la Manche. Un mois plus tard, face à une météo clémente, ce différentiel est tombé à 11%.
Cette augmentation des traversées a lieu malgré la constante augmentation de la présence policière Depuis le 10 juin, Utopia 56 a reçu deux témoignages de bateaux lacérés alors que les personnes étaient déjà à bord et dans l’eau, et quatre autres de groupes (incluant des enfants) ayant reçu du gaz lacrymogène sur les plages. Ces situations ne sont pas isolées : depuis le début de l’année Utopia 56 a déjà saisi deux fois l’IGPN et une fois l’IGGN pour des témoignages similaires. Le 15 juin, un homme a perdu connaissance devant une équipe Utopia 56. Il venait de fuir les policiers sur la plage, le groupe venait d’être aspergé de gaz lacrymogènes.
Face à cette répression accrue, les personnes partent de toujours plus loin. Nous avons reçu des appels de groupes sur tout le littoral, de la frontière belge jusqu’à Berck , soit une zone d’environ de 130 km de côte , multipliant parfois la distance de traversée par 3 ou 4 et augmentant énormément les risques.
Du 10 au 22 juin, les équipes d’Utopia 56 ont reçu 20 appels de détresse dans la Manche. Ces appels ne représentent qu’une infime partie des personnes en mer. Les numéros d’urgence de secours sont vite saturés. De nombreuses personnes témoignent, indiquant qu’elles ont appelé le 112 plusieurs fois sans avoir de réponses, qu’elles ont attendu des heures sans informations avant de voir des secours arriver, ou encore qu’elles n’ont jamais vu ces secours malgré les appels et se sont débrouillées pour revenir à terre par eux-mêmes. Le 10 juin au large de Sangatte, un groupe est tombé en panne, a contacté les secours, de l’eau commençait à rentrer dans le bateau. Après 2h d’attente, le moteur a finalement redémarré et, ne voyant pas les secours arriver, le groupe a décidé de revenir vers les côtes françaises par lui-même.
Depuis octobre 2021, des renforts sont demandés dans la Manche, un plan a été établi en janvier 2022 après le drame de novembre qui a coûté la vie à 31 personnes. Deux ans plus tard, deux nouveaux bateaux affrétés par une société privée sont arrivés en renfort : des navires anciens, peu adaptés avec un équipage peu formé sur le sauvetage de masse. Le 21 juin dernier, des personnes nous ont indiqué avoir appelé plusieurs fois les secours qui ne parlaient pas anglais, puis ne plus avoir de réseau, au final attendre plusieurs heures, pour certaines dans l’eau, penser que c’était fini, “on a cru mourir”, et enfin voir un bateau arriver.
Selon plusieurs témoignages à Médiapart, des associations et des spécialistes du sauvetage en mer affirment que les moyens sont insuffisants et qu’en cas de situation de naufrage, notamment lors de nuits de passages chargées, les moyens mis en œuvre ne permettront pas d’éviter un drame, les secours ne pouvant pas couvrir l’immense zone de départ, ni intervenir rapidement.
Le sauvetage de toute personne en détresse est obligatoire. Les politiques d’intimidation, de harcèlement, et de non-accueil des gouvernements européens ne fonctionnent pas. Sans autre solution, des dizaines de milliers de personnes continueront de risquer leur vie dans l’espoir d’un avenir meilleur.