Ce vendredi 2 juin 2023, le Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations Unies a publié son 6ᵉ rapport d’observations finales dans le cadre du suivi de l’application par la France de la Convention internationale des droits de l’enfant. Le Comité, “gravement préoccupé” par les violations continues des droits des mineur·es non accompagné·es (MNA) présent·es sur le territoire français, appelle la France à prendre des mesures urgentes. Les associations œuvrant auprès des MNA accueillent avec satisfaction les observations et demandes du Comité, qui reflètent celles portées dans les 90 propositions pour une meilleure protection pour les mineur.es isolé.es.
Au niveau national, et pour la seconde fois en 2023, le comité appelle notamment à respecter le principe de présomption de minorité lors de la procédure d’évaluation, et à prolonger la prise en charge jusqu’à décision du juge des enfants. Également, le Comité dénonce l’enfermement des mineurs non accompagnés (notamment l’enfermement en zone d’attente, ou en centre de rétention administratif, pour lequel la France a été condamnée 11 fois par la Cour européenne des droits de l’Homme) ; les pratiques arbitraires d’évaluation de l’âge, dont l’usage de tests médicaux décriés pour leur manque de fiabilité, et enfin l’accès limité à la protection de l’enfance, à une représentation légale, à un soutien psychologique, à l’assistance sociale, à la santé, à l’éducation et à un hébergement.
Le cas plus spécifique de la situation des MNA survivant à la frontière franco-britannique est cité à trois reprises dans le rapport. Il est rappelé l’importance d’une prise en charge adaptée à la réalité de ces enfants. Les membres du Comité enjoignent la France à mettre en place et à renforcer les maraudes de l’Aide sociale à l’enfance ainsi qu’à adapter les services de protection de l’enfance des départements du Pas-de-Calais et du Nord aux besoins spécifiques de ce public. Cela inclut notamment la possibilité pour tout mineur d’accéder à une mise à l’abri de manière inconditionnelle et de bénéficier d’un temps de répit, en accédant à un soutien légal, médical et psychosocial. Pour rappel, en 2022, les associations ont rencontré 320 MNA en situation de rue à Calais et 761 à Grande Synthe. Est aussi demandée la fin de la destruction de leurs abris et de l’usage disproportionné de la violence par les forces de l’ordre : sur l’année 2022, 1754 expulsions de lieux de vie informels (Chiffres Human Rights Observers) ont été décomptées sur les campements de Calais et du Dunkerquois dans lesquels survivent de nombreux enfants, précarisant toujours plus un public déjà vulnérable et sujet à l’emprise et à la traite des êtres humains. Cependant, la grande absente de ce rapport est la renégociation de voies sûres de passage vers le Royaume-Uni, notamment pour les mineur·es qui cherchent à rejoindre des membres de leur famille outre-Manche, et pour qui le Brexit a rendu toute réunification presque impossible.
La reconnaissance de l’urgence de la situation des MNA sur le territoire est encourageante, mais elle doit être traduite en actions concrètes permettant des améliorations réelles à leur protection. Dans un contexte politique où le président de la République française a annoncé faire de la protection de l’enfance l’une des priorités de son quinquennat, une réponse efficace du gouvernement est attendue, notamment via une réelle concertation avec le secteur associatif œuvrant auprès de ce public. Cependant, la mise en œuvre de ces recommandations nécessite que la France débloque des moyens financiers, humains et techniques suffisants pour permettre de garantir une prise en charge effective et adaptée au profil particulier de ces mineur·es en danger sur son territoire.
Dans cet objectif, et afin de permettre une meilleure compréhension des points soulevés sur la frontière, nous profitons de cette opportunité pour inviter Mme Charlotte Caubel, Secrétaire d’Etat à l’enfance, à venir nous rencontrer à Calais et Dunkerque, et par là comprendre et évaluer par elle-même les problématiques auxquelles sont confrontés les MNA y survivant à la rue, dans les conditions de vies alarmantes dénoncées par le Comité.
Associations signataires : La Cimade Nord Picardie, Le Cofrade, ECPAT France, Médecins du Monde France, Médecins Sans Frontières France, Project Play, Safe Passage, Secours Catholique Pas de Calais, Utopia 56