Au cœur d’une période électorale qui s’oriente sur la diabolisation des personnes en exil, nous avons formulé 10 propositions à destination des responsables politiques. Elles sont le résultat d’une large consultation de nos membres et bénévoles.
Ces propositions ont pour vocation de repenser notre système d’accueil en France et en Europe afin de mettre fin aux violences systémiques subies par les personnes en exil et de tendre enfin vers un accueil digne, solidaire et une circulation libre et sûre pour tous et toutes.
Proposition #1 : Mise en place d’un dispositif de premier accueil inconditionnel adapté aux besoins réels afin de mettre fin au passage à la rue.
Alors que ce dispositif existe dans la grande majorité des pays européens, la France fait le choix du non-accueil, espérant décourager les personnes de s’installer en France. En résultent un passage par la rue systématique. Chaque département doit être en mesure de proposer un accueil et un accompagnement bienveillant à toute personne arrivant sur le territoire Français et leur éviter ainsi la peur liée à l’errance.
Proposition #2 : Fin des violences et des discriminations institutionnelles et administratives envers les personnes exilées.
Que ce soit sur leur parcours migratoire, à nos frontières ou dans nos villes, les personnes exilées font face à une violence physique et morale dont nos équipes sont témoins au quotidien. Il est impératif de mettre fin à cette violence ordonnée et systémique.
Proposition #3 : Réformer la politique de logement afin de garantir un hébergement inconditionnel et pérenne. Augmenter le nombre de solutions d’urgence pour mettre fin au sans-abrisme.
Selon les chiffres de la fondation Abbé Pierre, plus de 300 000 personnes sont privées de domicile fixe. La France doit se donner l’obligation de loger dignement toute personne présente sur son territoire, quelle que soit sa nationalité ou son statut administratif.
Proposition #4 : Changement de paradigme des politiques migratoires. Passer d’une dialectique de « Fermeté et humanité » à ”Accueil et solidarité ».
Les politiques migratoires mises en place par la France depuis une vingtaine d’années sont un échec. Il devient plus que jamais nécessaire d’envisager une politique d’accueil digne et de solidarité à l’égard de toutes les personnes exilées, quelle que soit leur origine. La liberté de circulation et d’installation doit être érigée comme idéal politique et l’humain doit être remis en centre de cet idéal.
Proposition #5 : Fin des politiques d’externalisation des frontières, pratiques génératrices de violences ayant pour vocation de bloquer les arrivées des personnes en exil, alors qu’elles sont dans une situation de danger.
L’Union européenne tend à faire porter la responsabilité de la garde de ses frontières sur les pays voisins, notamment au travers d’accords financiers importants (Turquie, Libye, Maroc…). Le Royaume-Uni applique la même logique avec la France dans le but de bloquer les arrivées de personnes en exil (accords du Touquet). Ces pratiques, génératrices de violences, doivent cesser afin d’accueillir et traiter dignement toute personne souhaitant déposer une demande d’asile en France et en Europe.
Proposition #6 : Fin de la politique d’éloignement et d’enfermement des personnes exilées.
Les centres de rétention administratifs (CRA) et les obligations de quitter le territoire français (OQTF) participent à la banalisation de l’enfermement administratif et de la pénalisation du séjour irrégulier en France. Alors que quatre CRA supplémentaires sont en construction, il est urgent de se mobiliser pour mettre fin à ces méthodes systématiques d’enfermement pour les personnes en situation dite irrégulière, qu’elles soient majeures ou non (2 166 enfants ont été enfermés en CRA en 2021).
Proposition #7 : Permettre à toute personne de déposer une demande d’asile dans le pays européen de son choix.
Aujourd’hui la responsabilité du traitement de la demande d’asile incombe au premier pays d’entrée de la personne en Europe, cela a pour conséquence l’errance des personnes sans prendre en compte ni leur choix, ni leurs attaches familiales et émotionnelles.
La France se doit d’appliquer systématiquement l’article 17 du règlement Dublin : « Il importe que tout État membre puisse déroger aux critères de responsabilité, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion, afin de permettre le rapprochement de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent et examiner une demande de protection internationale introduit sur son territoire ou sur le territoire d’un autre État membre, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères obligatoires fixés dans le présent règlement. »
Proposition #8 : Droit au travail inconditionnel pour tous et toutes.
Alors que de nombreux secteurs, notamment publics, exploitent des travailleurs et travailleuses « sans papier » afin de réduire leurs coûts de fonctionnement, mais également de répondre à une pénurie de main d’œuvre, il est indispensable de mettre fin à ces pratiques et de donner à chacun et chacune la liberté de travailler légalement.
Proposition #9 : Arrêt du traitement de l’accueil des personnes exilées par le ministère de l’Intérieur et transfert de sa responsabilité au ministère des Solidarités.
Alors que le ministère de l’Intérieur concentre et contrôle depuis 2010 l’ensemble des questions d’accueil, il est nécessaire de dédier un ministère à ces questions, ou d’y consacrer une part du ministère des Solidarités, et d’y rattacher les services compétents tout en leur donnant les moyens d’effectuer leurs missions sans obligation de résultat chiffré et indépendamment de toute pression politique. L’accueil des personnes exilées n’est pas un enjeu de sécurité ou de chiffres, mais bien de solidarité.
Proposition #10 : Application sans restriction de la présomption de minorité pour les Mineur·es Non Accompagné·es jusqu’à décision du juge des enfants.
La présomption de minorité doit permettre à un·e jeune se présentant comme tel d’être considéré·e comme mineur·e tout au long du parcours devant le juge des enfants ou de la cour d’appel, et ce, tant qu’aucune décision contraire n’est prononcée. Ils et elles pourront ainsi avoir accès à un hébergement, un accompagnement médical, légal et administratif ainsi qu’à l’éducation.