Cet été, le ministère de l’Intérieur français a lancé une campagne de communication avec le hashtag #sauverdesvies pour justifier son action à la frontière franco-britannique. Cependant, cette communication se heurte à la réalité alarmante : plus de 4 000 personnes vivent dans des campements informels, cinq décès en l’espace d’un mois, des dispositifs d’hébergement et de protection de l’enfance saturés, des violences policières et des destructions de biens quotidiennes. À cette réalité s’ajoute une augmentation de plus de 30 % du nombre de personnes par embarcation et une augmentation des distances de traversée, passant de 30 à plus de 65 kilomètres.

En janvier 2023, alors que la moyenne de personnes par embarcation atteignant le Royaume-Uni était de 41, ce chiffre est passé à 56 en septembre. À titre d’exemple, le 26 septembre dernier, 212 personnes ont atteint le Royaume-Uni à bord de trois embarcations, ce qui équivaut à une moyenne de 71 personnes par bateau pneumatique. Dans le même temps, le nombre de tentatives de traversée par personne continue d’augmenter, et une très large majorité réussiront.

Côté distance, depuis juin, au moins huit opérations de sauvetage ont eu lieu au sud du Touquet, à plus de 65 kilomètres des côtes anglaises, contre une trentaine de kilomètres au départ de Calais. Lors du week-end du 16 septembre, Utopia 56 a reçu un appel de détresse d’une embarcation dans la baie de Somme, à plus de 95 kilomètres de leur destination. De fait, plus la distance augmente, plus la traversée est longue, plus la réactivité des secours en mer diminue et plus le danger augmente.

Ces réalités font écho aux avertissements émis par les acteurs associatifs depuis des années : « utiliser la force pour entraver les traversées ne fait qu’augmenter les risques encourus par les personnes. »

Sur le compte X de la police nationale du Pas-de-Calais, les photos d’embarcations saisies sont publiées avec le hashtag « sauverdesvies » et sont largement relayées par les préfectures du Pas-de-Calais et des Hauts-de-France. Ces autorités n’hésitent pas à contredire sans fondement les témoignages de violences subies par les personnes, tout en rappelant que leur mission est de sauver des vies. 

Pourtant, une enquête parlementaire de 2021 a révélé que sur les centaines de millions dépensés à la frontière, 85 % sont alloués à des mesures de répression et seulement 15 % à l’accueil.

Si la présence de la police a parfois permis de protéger des vies dans certaines situations, la mission centrale consistant à intimider, entraver et harceler les personnes à la frontière ne fait qu’accroître les risques de souffrance, de violences et de décès.

De faits, l’objectif de l’État n’est pas réellement de sauver des vies aujourd’hui, mais plutôt de bloquer le passage de la frontière. Objectivement, cette approche est un échec à tous égards, avec plus de 25 000 personnes ayant traversé la Manche depuis le début de l’année et des milliers d’autres en attente alors que les conditions météorologiques se détériorent.

 

Pour #sauverdesvies, il faut un accueil digne et la création de voies sûres de passage.