Le 10 mars dernier, Emmanuel Macron a reçu à l’Elysée son homologue britannique, Rishi Sunak. Lors de cette rencontre a été abordée, entre autres sujets, la question de « l’immigration irrégulière ».

Plus d’un demi-milliard d’euros engagés par le Royaume-Uni d’ici 2026 pour renforcer la frontière et empêcher les traversées ), le déploiement de 500 nouveaux membres des services opérationnels et d’autres ressources humaines britanniques en France, de nouveaux équipements de surveillance, davantage de drones, d’hélicoptères et d’aéronefs ou encore la création d’un centre de rétention.

Autant d’annonces qui ne sont que la reconduite à l’identique et l’accélération de la politique de militarisation de la frontière menée depuis des années par les gouvernements français et britanniques. Or, cette politique n’a pas eu et n’aura pas comme conséquence d’empêcher les passages vers le Royaume-Uni . Elle ne fera que rendre plus dangereuse et plus coûteuse en vies humaines encore ces traversées.

Ainsi, malgré les 22 accords bilatéraux existant depuis les années 90 entre la France et le Royaume-Uni, malgré les 160 millions dédiés à 85% au renforcement de la frontière en 2020 et l’annonce de 72,2 millions annoncés par le Royaume-Uni à cette fin en novembre 2022, malgré les 1 186 forces de l’ordre déjà comptabilisées à Calais en octobre 2017 selon un rapport de l’IGPN, malgré la présence de drones, d’hélicoptères, de barbelés sophistiqués, de détecteurs de chaleurs humaines, malgré tous les moyens déjà dépensés pour faire croire à la fiction d’une fermeture de la frontière, 45 000 exilés ont déjà traversé la Manche en 2022. Un chiffre en augmentation par rapport aux années précédentes mais qui reste à relativiser pour une population britannique de 66 millions d’habitants.

Ce chiffre montre que ces politiques inhumaines sont couteuses et inefficaces.

Les personnes exilées ont réussi à rejoindre le Royaume-Uni, mais à quel prix ? Plus de 360 personnes ont perdu la vie à la frontière franco-britannique depuis 1999, et beaucoup d’autres ont disparu dans les eaux de la Manche. Lors d’une étude réalisée à l’été 2021 à Calais, 35% des personnes interrogées témoignaient de blessures et de mutilations lors des tentatives de passage.

Nos associations ne cessent de le répéter, il est urgent de changer de politique à la frontière franco-britannique. Nous demandons que les moyens actuellement déployés aux fins d’expulsions de campements et de saisies d’affaires soient redéployés en faveur de la couverture des besoins vitaux et des droits fondamentaux des personnes exilées bloquées à cette frontière.

Nous demandons l’ouverture de voies sûres et légales de migration mais également la protection du droit à demander l’asile aux frontières d’un Etat tel que consacré par la Convention de Genève de 1951.

Nous demandons enfin de régulariser plus largement les personnes qui peuvent l’être en France afin de leur donner la possibilité de s’installer en France si elles le souhaitent.

Si cela n’est pas fait, l’objectif de « sauver des vies en prévenant des traversées dangereuses » énoncé dans la déclaration conjointe franco-britannique ne constituera qu’un vœu pieux ou, disons-le clairement, qu’un nouveau mensonge.

 

Associations signataires : Amnesty international France, Channel Info Project, Emmaüs Dunkerque Help4Dunkerque, Itinérance Cherbourg, La Cimade, L’auberge des migrants, Ligue des Droits de l’Homme Dunkerque, Médecins du Monde, Médecins sans frontières, MRAP – Littoral dunkerquois, Plateforme citoyenne Bel Refugees asbl, Project Play Refugee, Women Center, Safe Passage, Secours catholique Nord-Lille, Secours catholique Orne-Calvados, Secours catholique Pas-de-Calais, Utopia 56