Ce mardi 4 mars, nous avons adressé un signalement au procureur de la République de Boulogne-sur-mer concernant des témoignages sur des faits survenus le 7 novembre dernier près de Calais. Ce jour-là, une équipe d’Utopia 56 est en maraude le long du littoral nord. Un peu avant 7h du matin, elle rencontre un groupe de sept hommes trempés. Alors que l’équipe distribue du thé chaud et des vêtements secs, les personnes lui font le récit de la nuit passée. 

Le groupe raconte avoir tenté, un peu plus tôt, de traverser la Manche à bord d’une embarcation, mais que le moteur était tombé en panne peu après le départ de la plage. Le vent et les vagues avaient alors ramené le bateau vers les rochers le long de la côte, et un gendarme, présent à cet endroit, aurait percé l’un des boudins, provoquant un mouvement de panique et la noyade d’une femme à bord.

La préfecture réfute ces informations.

Pourtant, les témoignages de ces sept personnes, celui d’un autre passager que nous avons rencontré quelques jours plus tard, ainsi que celui d’un témoin présent cette nuit-là le long de la côte, concordent tous.

Les récits ne s’arrêtent pas là. Tous racontent comment, lors de la panique, des personnes seraient passées par-dessus bord et comment l’un d’eux se serait mis à crier le nom d’une femme. Des hommes auraient alors plongé pour tenter de la retrouver et hisser son corps sur les rochers. L’un des hommes à qui nous avons parlé, explique avoir commencé un massage cardiaque, aidé par un autre passager, les policiers non loin de là n’intervenant pas.

Toujours selon les différents témoignages, il aura fallu près d’une heure pour qu’un gendarme s’approche et finisse par appeler les secours. La jeune femme sera hélitreuillée puis transportée à l’hôpital, inconsciente.

Retournée dans sa famille en Turquie, elle souffre aujourd’hui de dommages au cerveau liés au manque d’oxygène durant la noyade. Son état nécessite de la rééducation pour marcher ainsi que des soins importants et à long terme pour soigner ses brûlures dû au mélange de l’essence dans l’eau salée.

 

“Il a ajouté que les policiers avaient mis en danger tout le groupe et que c’est à cause de cette intervention que la femme s’est noyée.” 

Témoignage d’un bénévole ayant rencontré l’un des passagers.

 

Au vu de la gravité des faits, nous avons souhaité adresser ces informations au procureur de la République dans l’espoir qu’une enquête puisse être ouverte pour comprendre ce qu’il s’est passé cette nuit. N’en déplaise au gouvernement et aux préfectures, nous continuerons de porter la parole des personnes que nous rencontrons sur le littoral. Si elles n’ont pas souhaité déposer plainte, par peur de répercutions au vu de leur situation administrative, elles ont accepté que nous retranscrivions leurs témoignages, en préservant leur anonymat.

 

Ces faits ne sont pas isolés. Lors de nos maraudes, les témoignages d’intervention sur des embarcations déjà à l’eau sont nombreux, bien que cela soit interdit.

Dernièrement, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a d’ailleurs annoncé son envie de “changement de doctrine pour permettre aux forces de l’ordre d’intercepter des embarcations même lorsqu’elles sont à l’eau. Cela systématiserait cette pratique dont les conséquences sont dramatiques. Si le gouvernement accepte et rend légale une intervention policière dans l’eau, il se rendra responsable de pull-back (interdit par le droit international) et de tentative d’homicide.