Depuis le 4 avril dernier, soit 58 jours, 500 jeunes isolés survivent à même le sol, sans eau courante ni électricité, dans une école désaffectée du 16e arrondissement de Paris. Tous sont ici sans leur famille et sans aucune ressource financière. Beaucoup souffrent de traumatismes psychologiques ou physiques, ainsi que de nombreuses maladies respiratoires et dermatologiques. Tant d’éléments qui définissent, de fait, une situation d’urgence humanitaire en plein centre de la capitale française. Sans action immédiate de l’État, un drame semble inévitable.

Face à cette situation, quatre associations citoyennes et non subventionnées par l’État, réussissent tant bien que mal à assurer une présence permanente, organiser la vie sur place et distribuer une aide matérielle (tentes, couvertures, vêtements) et alimentaire d’urgence (deux repas par jour). Des acteurs tels que Médecins du Monde et le Samu Social viennent également assurer des permanences médicales et tentent d’alerter l’Agence Régionale de Santé.

Derrière le portail de l’école, six sanitaires mobiles ont été installés par la Mairie de Paris. Une réalité bien loin des standards des Nations Unis, recommandant un minimum d’un sanitaire pour 20 personnes et d’une douche pour 50. 

Malgré ces conditions, ce sont plus d’une dizaine de nouveaux jeunes en situation de rue qui rejoignent chaque jour cette école afin d’y trouver refuge. Fatalement, au vu de la saturation des espaces intérieurs du bâtiment, plus de 150 jeunes ont été installés deux par deux sous des tentes dans la cour de l’école. Une promiscuité et une précarité telles, que l’apparition de tensions internes est inévitable. Un autre lieu du 20ᵉ arrondissement accueille déjà près de 100 jeunes par nuit après seulement deux semaines d’ouverture, et plusieurs malades ou jeunes filles ont dû être mis à l’abri en dehors de l’école.

Comme si cette situation ne se suffisait pas à elle-même, de nombreux individus, associés aux mouvements d’extrême-droite « Reconquête », « Némésis » et « Les Natifs », se sont rassemblés à plusieurs reprises devant l’école, menaçant de futures actions violentes et demandant l’expulsion des jeunes, sans aucune conscience de ce qu’ils vivent au quotidien. 

Malgré toutes ces réalités, 18 mails d’alertes, une pétition de plus de 5 000 signatures et les sollicitations de nombreux députés, ni le ministère de l’Intérieur, ni celui du logement ou de la protection de l’enfance n’a souhaité répondre ou intervenir. Selon les informations de la Mairie de Paris, la préfecture d’Île-de-France semblerait vouloir conditionner la mise à l’abri de ces jeunes à une décision d’expulsion du juge judiciaire, sans pour autant en apporter de garantie. Une procédure qui peut prendre des mois et qui ne répond en aucun cas à l’urgence sanitaire, sécuritaire et humanitaire d’une telle situation.

Les associations sur place demandent à nouveau aux autorités de sortir immédiatement de cette situation de crise et de mettre à l’abri ces jeunes exclusivement en Ile-de-France, et non en région comme cela a pu être évoqué. Elles rappellent que la majorité de ces adolescents ont leurs repères, liens sociaux,  rendez-vous médicaux, éducatifs, juridiques et administratifs quotidiens sur Paris et dans les départements voisins. Un nouveau déracinement aurait des incidences sérieuses sur leur équilibre déjà précaire ou le suivi de leur procédure auprès du juge pour enfants et impliquerait le retour à la rue en Ile-de-France de beaucoup de ces jeunes.

Dans la mesure où aucune action à très court terme ne serait entreprise par les autorités françaises, les associations sur place se gardent le droit de se retirer afin de laisser l’État prendre ses responsabilités.