2 aventures citoyennes, 2 constats d’ingérence négative de l’Etat…
Utopia 56, association de mobilisation de bénévolat, qui compte 6 300 adhérents, annonce son départ du centre de Premier Accueil de Paris Nord, le premier centre humanitaire pour primo-arrivants ouvert en France, à l’initiative d’Anne Hidalgo, la maire de Paris.
Nous espérions que ce centre, ouvert le 10 novembre dernier, soit un modèle pour l’ouverture de 5 centres similaires en France, sur le parcours migratoire des migrants. Or, nous constatons que le traitement administratif des réfugiés lié à ce centre n’a rien d’humanitaire et défavorise les réfugiés. Le dispositif n’a pas changé depuis notre entrée, mais les retours sur des situations administratives kafkayennes sont de plus en plus fréquents, notamment depuis fin juin.
De plus, une traque des réfugiés est organisée depuis peu par la police. Bref, ce centre ne peut pas être un modèle. Utopia 56 annonce sa sortie du dispositif et va intensifier son aide aux migrants dans la rue.
Grande-Synthe, Paris : deux aventures citoyennes, deux constats d’ingérence négative de l’administration.
Utopia 56 s’est engagée deux fois aux cotés d’élus qui prenaient des initiatives d’amélioration de l’accueil : dans le premier centre humanitaire aux normes internationales à Grande-Synthe et à Paris dans le premier centre d’accueil des primo arrivant. Dans les deux cas, nous avons vu la citoyenneté être écartée par l’État et des mesures administratives de «non accueil» pervertir la notion d’humanitaire. Ces centres humanitaires se voulaient un modèle d’une France accueillante. Ils ne le sont pas.
Pourquoi Utopia 56 s’en va ?
Des milliers de migrants ont été accueillis dans le Centre de Primo Arrivant de Paris depuis le 10 novembre. Ils ont obligation de passer par le Cesa, le Centre d’examen de situation administrative (Cesa), créé spécifiquement pour le centre humanitaire. Or, au lieu de favoriser les réfugiés, ce passage obligé au Cesa piège administrativement de nombreux réfugiés et les prive de leur droit à l’asile. Ils auraient mieux fait de rester à la rue et d’aller à la permanence d’une association citoyenne de juristes. Souvent, ils ont cru avoir déposé leur Demande d’Asile, ce qu’ils n’ont pas fait. Ils se retrouvent ensuite dans des procédures d’expulsion.
Entrer dans le centre humanitaire les a défavorisé ! (voir détails Cesa développés plus loin)
Par ailleurs, aucune association citoyenne de juriste n’est présente dans le centre. Peu à peu, seuls les outils de tri et d’expulsion de l’État ont pris la main.
Enfin, la répression policière autour du centre s’est accentuée. Ces dernières semaines, les policiers réveillent les migrants toutes les deux heures pour les chasser. C’est de la torture. Utopia 56 aspire à des centres humanitaires respectueux du droit, où l’accueil est effectif, y compris dans les files d’attente et les alentours du centre.
Et après ?
Utopia 56 poursuit son travail de bénévolat d’aide aux migrants dans le Centre de Primo Arrivant jusque fin octobre, afin de laisser à nos partenaires Emmaüs Solidarité et Ville de Paris le temps de se réorganiser. Puis nous poursuivrons notre bénévolat dans la rue à Paris, en l’intensifiant. Distribution de couverture, de vêtements, d’eau, aide à l’organisation des distributions de nourriture, pacification des files d’attente, accueil et orientation des Mineurs Étrangers Isolés, notamment ceux dont la minorité est refusée, aide aux plus vulnérables et aux familles, etc. Nous appelons au bénévolat pour nous aider. Il suffit de payer une adhésion de 10 euros et de s’inscrire sur Utopia56.com
Par ailleurs, Utopia 56 développe un réseau d’hébergement citoyen, avec convention, pour les réfugiés, et particulièrement les mineurs étrangers isolés, dont la minorité n’est pas reconnue par les conseils départementaux (ou par la Ville de Paris), et qui sont en attente, dans la rue, d’une décision de justice. Renseignement : hebergementcitoyen@utopia56.com
On ne lâche rien, ne nous lâchez pas !
Pour aller plus loin : Détails des problèmes posés par le Cesa
Le Cesa, le Centre d’examen de situation administrative (Cesa) a été créé spécifiquement pour le centre humanitaire de la Porte de la Chapelle. Il est situé dans les locaux de la préfecture de police, à Jaurès. Les migrants ont obligation d’aller y donner leurs empreintes dans les 5 jours après leur entrée dans le Centre de Premier Accueil. S’ils refusent, ils sont mis dehors.
Or, au lieu de favoriser les réfugiés, ce passage obligé au Cesa piège administrativement de nombreux réfugiés et les prive de leur droit à l’asile. Ils auraient mieux fait de rester à la rue et d’aller à la permanence d’une association citoyenne de juristes. Souvent, ils ont cru avoir déposé leur Demande d’Asile, ce qu’ils n’ont pas fait. Or, en France, il faut déposer sa demande d’Asile dans les 120 jours après l’entrée dans le territoire. 120 jours plus tard, dans une région de France où ils ont été envoyés les préfectures leur opposent qu’ils n’ont pas déposé de demande d’asile dans les temps. Or, ils étaient dans le centre dit humanitaire, dans le labs de temps. Ils auraient pu déposer leur dossier dans les délais ! Ils se retrouvent ensuite dans des procédures d’expulsion, privés de leurs droits à enregistrer une demande de protection internationale en France, qu’il s’agisse du statut de réfugiés ou d’une protection subsidiaire.
C’est kafkayen ! C’est honteux dans un centre dit humanitaire ! Les droits de l’homme ne sont plus respectés.
Or, De plus en plus de migrants nous indiquent que lors de leur passage au Cesa, il ne leur ait pas donné d’information sur la possibilité de demander l’asile. En revanche, la prise d’empreinte systématique permet d’enclencher rapidement les procédures dites de Dublin. Dans les semaines qui suivent, lorsque les personnes souhaitent déposer une demande d’asile, il est souvent trop tard. Elles se retrouvent piégées administrativement par des notifications de renvois vers les pays où elles ont été dublinées. Dans de nombreux cas, les inscriptions en catégorie 1 (situation illégale sur le territoire) dans le fichier Eurodac, ne sont pas justifiées et privent ces personnes d’un examen respectueux de leur droit, dont elles auraient pu bénéficier si elles avaient été orientées vers la Pada, la plateforme de demande d’asile. Ce traitement administratif défavorable aux réfugiés n’est donc pas respectueux des choix de vie des migrants et de leurs droits fondamentaux.
Pour aller plus loin : Rappel de l’aventure Grande Synthe et de l’histoire d’Utopia 56 dans le Centre de Primo Arrivant de Paris.
Début 2016, Damien Carème, le maire de Grande Synthe a confié à Utopia 56 la coordination du premier camp humanitaire aux normes internationales, construit par Medecins Sans Frontière et la mairie de Grande Synthe pour sortir de la boue les 1500 réfugiés du bidonville du Barroch. L’Etat s’opposait à cette ouverture. Utopia 56 s’est engagée avec des centaines de bénévoles, qui ont œuvré pour accueillir, sécuriser les déplacements sur la voie express, sécuriser les enfants dans un camp ouvert entre l’Autoroute A 16 et la voie ferrée, ouvrir les cuisines collectives, la laverie, ignifuger les chalets, installer des détecteurs de fumées, pacifier les groupes, communiquer avec les réfugiés… jusqu’à la reconnaissance du camp par l’ Etat. Puis, le 7 mai 2016, Bernard Caseneuve a signé une convention tripartite entre l’ Etat, la mairie et une association sous traitante d’action publique, en excluant notre association citoyenne des instances de concertation et de décisions. Dans les semaines qui ont suivi, Utopia 56 a constaté la mise en place de critères d’accès qui excluaient les vulnérables, notamment les femmes et les enfants. Fin juillet, Utopia 56 a du se résoudre à annoncer son départ, avec un préavis au 1er octobre. Les conditions d’accueil ont continué à se dégrader. Le camp a brulé le 11 avril 2017, remettant dans la foret plusieurs centaines de réfugiés.
Dominique Versini, adjointe aux affaires sociales de la mairie de Paris et son équipe, avait rencontré Utopia 56 à Grande Synthe, lors d’une visite du camp, dans le cadre du travail préparatoire à l’ouverture du premier Centre de Primo Arrivant de France, et a proposé à Utopia 56 de s’associer au gestionnaire Emmaus Solidarité, pour y organiser du bénévolat citoyen. Depuis le 10 novembre 2016, ouverture du Centre de Primo Arrivant, des bénévoles Utopia 56 travaillent dans le centre à l’approvisionnement de 40% des besoins en vêtements des 16 000 réfugiés. Dans la bulle, nous avons pris en charge les Mineurs Étrangers Isolés pour les réorienter et prendre soin des majeurs (les mineurs isolés refusés), organiser la distribution de nuit des couvertures, de l’eau, la mise à l’abri des plus vulnérables, notamment pendant les grands froids. Nous avons assuré la difficile tâche de pacification de la file d’attente extérieur, l’aide à la coordination des distributions de nourriture à l’extérieur. Dès le 10 novembre, il était clair que ce centre était sous dimensionné et qu’Anne Hidalgo avait raison en appelant à l’ouverture de 5 autres centres en France sur le parcours migratoire. Mais aujourd’hui, nous constatons trop de dysfonctionnements pour continuer à y travailler.
Pour aller plus loin : Nos dirigeants se trompent, la jeune génération VEUT accueillir
Près des trois quarts (73%) des jeunes âgés de 18 à 35 ans à travers le monde se disent favorables à l’accueil de réfugiés dans leur pays, selon une étude publiée le 29 août par le Forum Économique Mondial.
Près d’un quart (27,3%) se dit même prêt à accueillir des réfugiés à son domicile. «Les personnes fuyant la violence et la persécution dans le monde se sont régulièrement vus claquer la porte au nez par les gouvernements des pays riches qui prétendent ne pas pouvoir les aider. L’étude du Forum Économique Mondial montre que les jeunes ne sont pas d’accord, et sont déçus par l’attitude dénuée d’humanité de leurs dirigeants».