Calais : alors même que le gouvernement n’a pas entendu à Paris les grandes organisations humanitaires, ni sur leurs critiques, ni sur leurs propositions, pourquoi le président tiendrait-il compte des mêmes critiques et propositions des associations locales ?

Les associations L’Auberge des Migrants et Utopia 56, invitées à rencontrer le Président de la République le 16 janvier, déclinent cette invitation.

Il ne s’agit pas de dire non à toute concertation : nous participons d’ailleurs à celles qui ont lieu depuis septembre en sous-préfecture de Calais. Les demandes formulées par les associations y obtiennent parfois des réponses, souvent partielles, mais qui contribuent à rendre les conditions de survie des migrants à Calais un peu moins inhumaines.

Mais le Président de la République est porteur, avec le gouvernement et la majorité parlementaire, de la politique d’ensemble concernant les migrations. C’est de cela qu’il vient parler : les accords du Touquet, sur la gestion de la frontière avec les autorités britanniques, et le projet de loi sur les migrations. Nous désapprouvons ces politiques, qui ont créé la situation calaisienne, et qui l’aggraveront.

A Calais en effet, s’entassent :

  • Les personnes qui ont toutes les raisons de vouloir demander la protection du Royaume-Uni : ils sont de culture anglophone, y ont leur famille et ont plus de chances de s’intégrer qu’ailleurs en Europe ; mais on ne leur offre pas de possibilité d’accès légal, alors que, lorsqu’elles auront franchi la Manche illégalement et au péril de leur vie, ou en payant des passeurs à prix d’or, elles obtiendront sans doute l’asile au Royaume-Uni ;
  • Les « dublinés », qui, si ils demandent l’asile en France, seront renvoyés dans le pays où on leur a pris les empreintes digitales, pays qui ne sont ni désireux, ni capables de les accueillir, et nous les renvoient d’ailleurs ou les laissent repartir ;
  • Les déboutés du droit d’asile, que l’on ne peut pas, et doit pas, renvoyer dans leur pays, quand il est en guerre ou vit sous un régime répressif et dictatorial, et qui tentent leur dernière chance au Royaume-Uni, faute de permis de séjour renouvelables sur le continent ;
  • Les mineurs isolés qui, lassés d’attendre des mois et des mois leur prise en charge par la Grande-Bretagne au titre du rapprochement familial ou de l’amendement Dubbs, reviennent à Calais, faute de pouvoir passer la Manche légalement dans des délais raisonnables.

Rien n’indique que la France veuille renégocier les accords du Touquet, tout au contraire. Par ailleurs, la concertation sur le futur projet de loi migrations est terminée.

Alors même que le gouvernement n’a pas écouté les grandes organisations humanitaires, ni sur leurs critiques, ni sur leurs propositions, pourquoi le président tiendrait-il compte des mêmes critiques et propositions des associations locales ?

La rencontre avec le Président de la République nous semble donc inutile. Elle ne peut que permettre au chef de l’exécutif de déclarer qu’il y a eu dialogue avec les associations, alors que les décisions politiques importantes sont déjà prises.

Elle succède à d’autres rencontres (Mrs Valls, Cazeneuve, Collomb…) auxquelles nous avons participé et qui ont servi d’alibi à des autorités simplement soucieuses de faire croire à un dialogue avec les associations calaisiennes.