Comme les acteur·rices et comédien·nes, journalistes, membres de partis politiques, femmes et hommes victimes de violences au sein du foyer et ailleurs, les membres des associations n’échappent pas aux violences sexistes et sexuelles. Ces dernières années, la lumière a été mise sur ces violences omniprésentes au sein de notre société. Des membres d’Utopia 56 en ont aussi été victimes, dont les agresseurs ont été d’autres membres de l’association, des partenaires extérieurs ou des bénéficiaires. Face aux récents événements de dénonciation des violences sexistes et sexuelles en France, l’association veut réaffirmer son engagement à prévenir ces situations, ainsi que son engagement à orienter les victimes en son sein vers des associations spécialisées. 

Au fil des années, nos procédures se sont clarifiées, professionnalisées, améliorées, tant par un accompagnement extérieur que par des réflexions et remises en cause internes. Ces actions ont été réfléchies, décidées et mises en place, car l’association a commis des erreurs et manquements : ne pas avoir toujours donné suite face à un·e membre alertant d’une situation ; ne pas avoir eu la réaction appropriée face à un·e victime ; mais aussi ne pas avoir mis en place de formation spécifique à ses équipes encadrantes, responsables d’équipes et bénévoles à prévenir, empêcher et écouter. Reconnaître nos difficultés et erreurs est une étape importante pour donner aux personnes en responsabilité dans l’association les moyens face aux situations de violences sexistes et sexuelles.

Utopia 56 organise la mobilisation des citoyens et citoyennes pour apporter une aide d’urgence aux personnes à la rue. Cette mobilisation doit se faire dans un cadre sécurisant et sécurisé. Le salariat progressif des coordinateur·rices d’antenne et de coordinatrices nationales a ainsi permis de professionnaliser nos pratiques, de diffuser les recommandations et obligations envers les bénévoles, ainsi que de s’inscrire dans une démarche d’amélioration de la sécurité de tous·tes. Ainsi, dans le détail, quelques pratiques mises en place ces dernières années ou sur le point de l’être :

Sur le terrain : 

  • Chaque action est toujours menée par un·e bénévole expérimenté·e ou un·e salarié·e
  • Des “mots de secours” peuvent être décidés par le·la responsable d’une maraude, particulièrement pour les actions de Calais et Grande-Synthe, afin qu’une personne de son équipe puisse le prononcer pour quitter sans discuter le terrain en cas de situation inconfortable
  • Il est interdit à nos bénévoles d’être seul·e lors d’une action, sauf en cas d’accompagnement individualisé

De retour du terrain : 

  • Des debriefs sont faits de retour de maraude (oral ou écrit selon les antennes et selon les situations)
  • Des groupes de paroles – dont certains en mixité choisie – et des ressources psy pour des suivis individuels se mettent peu à peu en place dans chacune de nos antennes
  • Lors de la composition des plannings de mission, chacun·e peut choisir ses partenaires d’action ou, lorsque le planning est fait par un·e salarié·e, indiquer avec quel·le membre de l’association ce·tte bénévole ne veut pas faire de créneau
  • Partout, nous tentons de multiplier et de rendre identifiables les interlocuteur·rices responsables ; pour que les bénévoles puissent parler avec quelqu’un·e avec qui iels se sentent à l’aise

Dans nos maisons d’accueil pour les jeunes en recours de minorité :

  • Des affiches indiquent comment déposer une alerte sur notre plateforme interne de signalement
  • Une association partenaire assure aux jeunes hébergé·es dans nos maisons en Ile-de-France une série de formations et sensibilisations interculturelles sur les questions de genre et d’orientation sexuelle

Dans nos hébergements collectifs pour bénévoles :

  • Des affiches indiquent comment déposer une alerte sur notre plateforme interne de signalement
  • Dans les hébergements collectifs de nos antennes de Calais, Grande-Synthe et Paris, une chambre en non-mixité (sans hommes cis) est proposée aux bénévoles ou peut être organisée simplement sur demande

Dans nos équipes : 

  • Une formation de lutte contre VSS, de l’association En avant toute(s), a été financée par Utopia 56 et suivie par une quinzaine de salarié·es et membres actif·ves en 2021. Une nouvelle formation de ce type doit être mise en place fin 2022 / début 2023
  • A Paris, une chargée de mobilisation citoyenne est salariée depuis octobre 2022 pour devenir une personne-ressource et dédiée en cas de difficultés rencontrées par un·e bénévole
  • A Calais, dans le cadre du consortium d’associations, dont fait partie Utopia 56, notre partenaire L’Auberge des migrants salarie une personne « safeguarding », dédiée à la mise en place de bonnes pratiques concernant le « bien-être » des bénévoles.

 

Enfin, à la suite de trois situations d’agressions sexuelles connues au sein de l’association, et dont les agresseurs n’en font aujourd’hui plus partie, un travail a été mené par plusieurs bénévoles, certains membres du conseil d’administration. Ce travail a permis l’élaboration d’un règlement intérieur, ainsi que, grâce à l’accompagnement d’une professionnelle, la mise en place d’une plateforme de signalement et d’un comité d’écoute. Ce dernier, composé de bénévoles, formé·es à l’écoute et soumis·es à la confidentialité, peut être amené à recueillir le témoignage de toute personne lanceuse d’alerte que ce soit sur des sujets de violences sexistes ou sexuelles ou sur tout élément contraire au règlement intérieur les personnes témoins citées et toute personne mise en cause dans une alerte. Selon la gravité des faits dénoncés, la personne mise en cause peut faire l’objet de mesures conservatoires pouvant constituer un retrait du terrain le temps des écoutes. Un comité disciplinaire, composé des membres du comité d’écoute qui traite le signalement et complété par la coprésidence de l’association, décide des suites à donner (mesures de sensibilisation, mesures de formations individuelles ou collectives, mesures de sanctions…). Au bilan de la première année de fonctionnement de cette plateforme, 14 alertes ont été émises, concernant 9 situations et mobilisant 10 bénévoles différent·es (8 femmes et 2 hommes) au sein du comité d’écoute. Ces situations concernaient à cinq reprises des VSS (3 agressions sexuelles et 2 violences sexistes), 1 harcèlement sur les réseaux sociaux, 1 harcèlement de rue, 1 conflit dans une antenne et 1 critique générale de l’association. À la suite de ces signalements, ciblant des personnes identifiées, 3 sanctions ont été prononcées (rappel au règlement intérieur ou suspension provisoire du terrain avec entretien avec le comité d’écoute avant de reprendre une activité éventuelle dans l’association). Dans 3 autres situations, les personnes mises en cause ont quitté par elles-mêmes l’association. Ce comité d’écoute permet également d’orienter vers des ressources psychologiques et plus largement de soin à toute membre de l’association qui en émet le besoin.

En ce mois d’octobre 2022, de nouveaux groupes de travail se mettent en place en interne à l’association, impulsés par des membres du conseil d’administration, des bénévoles et salarié·es volontaires, pour mettre en place davantage d’outils de prévention et améliorer les dispositifs d’écoute permettant de libérer la parole des personnes victimes, que ce soit dans la formation de nos équipes salariées et bénévoles ou dans la diffusion des bonnes pratiques. L’association invite par ailleurs tout·e membre d’Utopia 56, à rejoindre ces groupes pour contribuer à la réflexion et à l’élaboration des procédures à mettre en œuvre dès début 2023. Les conclusions de ces groupes de travail seront appliquées et communiquées, afin de faire d’Utopia 56 une association un peu plus sûre encore pour chacune et chacun.