Victoire ! Ce lundi 5 mai 2025, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, s’est vu retoqué par le tribunal administratif de Paris qui a donné raison aux associations de solidarité.
Petit flashback pour vous expliquer le contexte :
Le 9 octobre 2023, le préfet de police de Paris prenait un arrêté interdisant les distributions alimentaires à Paris, dans un secteur délimité des 10ᵉ et 19ᵉ arrondissements, du mardi 10 octobre 2023 au vendredi 10 novembre 2023 inclus.
Laurent Nuñez avançait alors que ces distributions organisées par les associations d’entraide étaient à l’origine d’installations de campements de personnes vivant à la rue et de personnes usager⸱ères de drogues. Installations que la préfecture accuse d’être responsables de « nuisances récurrentes », « d’atteintes à la salubrité », « d’attroupements massées en bordure de voirie ou sur la route », ou encore « d’échauffourées avec les passants et établissements à proximité».
Cet arrêté constituait une honte de plus à rajouter au CV de la préfecture, qui cette fois avait donc eu l’idée, à l’arrivée de l’hiver, d’empêcher des personnes survivant à la rue d’accéder à leur seule source de nourriture, portant ainsi atteinte à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion,
au principe de dignité de la personne humaine, à la convention internationale relative aux droits de l’enfant, au droit à l’alimentation et au droit à l’assistance. Oui, tout ça.
La préfecture de police parisienne n’a rien inventé et reprenait une stratégie déjà mise en place à Calais où plusieurs arrêtés anti-distributions ont été publiés dès 2020. Ils concernaient des zones de la ville, où de nombreuses associations tentent d’apporter une aide aux personnes en attente de passer la frontière. L’ensemble de ces arrêtés ont depuis été annulés par la justice.
Nous avions donc immédiatement déposé, par l’intermédiaire de notre avocat Samy Djemaoun, un référé annulation ainsi qu’une demande de suspension devant le tribunal administratif de Paris. Le but : faire suspendre cet arrêté le temps qu’un juge puisse statuer sur le fond. Le dimanche soir, nous organisions une grande distribution alimentaire au pied du métro Stalingrad, à la limite de la zone interdite, avec associations, personnes concernées et soutiens, pour protester contre cette décision abjecte.
Le 17 octobre suivant, le juge des référés nous donnait alors raison et suspendait l’interdiction du préfet de police. L’arrêté n’aura été effectif qu’une semaine. Une victoire, encore incomplète, puisqu’il restait au tribunal administratif de statuer sur le fond de cet arrêté, décision essentielle pour la jurisprudence. Si le tribunal validait cet arrêté interdisant les distributions alimentaires, alors il aurait légitimé et permis de généraliser cette entrave aux actions des associations.
Ce lundi 5 mai 2025, soit 1 an et demi après la prise de l’arrêté d’interdiction, le tribunal administratif de Paris a rendu sa décision : il annule purement et simplement l’arrêté.
Le tribunal estime que “le préfet de police ne produit aucun élément étayé permettant d’établir le lien entre l’installation de ces campements et les distributions alimentaires en cause et indique qu’aucun incident n’a été constaté lors de ces distributions alimentaires”.
Il ajoute qu’aucune pièce, aucun rapport de police, aucun signalement, permettant de corroborer ces accusations n’ont été produits et que par conséquent aucune de ces nuisances ne peuvent être imputées aux distributions alimentaires.
Ces arrêtés sont des atteintes directes à la solidarité, et ont un impact sur l’accès au besoin le plus fondamental, celui de se nourrir. Leur promulgation était une honte, leur annulation un soulagement dont nous nous réjouissons (même si on préférerait dépenser notre énergie directement sur le terrain plutôt que dans des recours juridiques).
La préfecture se voit par ailleurs dans l’obligation de nous verser la somme de 1500 euros, laquelle nous servira surement… à organiser des distributions alimentaires.
Cette décision intervient deux mois après celle de la Cour administrative d’appel de Douai qui concluait également à l’illégalité des arrêtés anti-distribution publiés par la préfecture du Pas-de-Calais fin 2020.
Le combat continue.
Nous attaquerons systématiquement ces violations et atteintes aux droits fondamentaux.