En collaboration avec ECPAT France, la Croix Rouge française, Safe Passage International et la Plateforme des Soutiens aux Migrant·es, Utopia 56 sort un rapport d’expertise pour comprendre et agir auprès des jeunes mineur·es isolé·es bloqué·es à la frontière franco-britannique. Un rapport co-écrit par Faustine Douillard et Chloé Lailler, à retrouver en entier ici.

Le littoral du nord de la France constitue un point de passage et de blocage pour des milliers de personnes qui souhaitent rejoindre le Royaume-Uni, souvant faute d’avoir obtenu une protection dans d’autres pays Européens.

Les voies de passage officielles pour rejoindre le Royaume-Uni étant quasi inexistantes ou ultra-conditionnées, toutes ces personnes sont contraintes de se tourner vers des voies non autorisées, dangereuses, organisées par des réseaux.

Parmi les personnes en exil présentes sur le littoral, on compte des centaines de mineur·es non accompagné·es (MNA), sans parents ou représentant légal, souvent isolé·es, et d’autant plus vulnérables à l’hostilité de la frontière. Ils ont entre 12 et 17 ans, parfois même plus jeunes, la plupart dorment dehors, au milieu d’adultes, dans les bois, des squats ou des terrains vagues. Leur quotidien, marqué par l’attente, l’errance et une grande précarité, ne leur garantit pas un accès stable à la nourriture, aux soins ou à la protection.

Ces adolescents, souvent sous emprise ou entraîné·es par l’urgence de leur projet, se retrouvent en “non-adhésion” au système de protection, c’est à dire, qu’iels restent souvent cachés, ne demandent pas d’aide, ne font pas confiance, et ne considérent pas la possibilité de se stabiliser en France.

L’absence de demande de protection ne veut pas dire qu’iels n’en ont pas besoin. Pour la plupart, il s’agit d’une stratégie de survie mise en place après des mois d’exil avec un objectif en tête : rejoindre le Royaume-Uni.

C’est pourquoi, en plus de dix ans de présence sur le littoral nord, des associations non mandatées, spécialisées dans l’accompagnement de ces mineur·es isolé·es, ont développé des pratiques d’aller-vers efficaces et protectrices permettant de faire adhérer ces jeunes aux dispositifs de protection de l’enfance en France.

Malgré tout, des centaines de demandes ne sont pas pourvues (souvent par manque de places au Département ou suite à une rupture dans le process très complexe), renforçant la méfiance de ces enfants envers un système défaillant.

 

Ce défaut de mise à l’abri effective a des conséquences dramatiques pour les mineur·es en termes de santé physique et mentale.

En 2024, l’association Médecins sans frontières a réalisé 203 consultations auprès d’enfants isolé·es. Les principaux motifs de consultation sont liés à la précarité des conditions de vie sur le littoral nord : maladies ORL, douleurs ostéoarticulaires, maladie de la peau, soins des plaies, troubles anxieux, troubles dépressifs et troubles réactionnels à un événement traumatique.

Parmi les symptômes les plus fréquents, les jeunes patients évoquent des ruminations anxieuses, des cauchemars, des insomnies et un sentiment d’impuissance ou d’impossibilité à se projeter dans l’avenir. Certains évoquent également des envies suicidaires, notamment lorsqu’ils ont vécu des expériences particulièrement traumatiques ou des violences extrêmes.

Nombre de ces adolescents se mettent en danger pour améliorer leurs conditions de vie matérielles, avoir un accès à une douche, à un repas chaud, ou à un lit, pour rembourser des dettes antérieures, ou financer leur passage vers le Royaume-Uni.

Les risques de traite des êtres humains concernant les MNA sont particulièrement élevés. Entre 2021 et 2024, l’association ECPAT spécialisée dans la protection de victimes de traite et d’exploitation, a rencontré vingt mineur·es pour suspicion de situation de traite des êtres humains.

Tout ce contexte explique que les jeunes rencontré·es sur le littoral vivent dans un état d’alerte permanent, conditionné·es par une logique de survie au quotidien.

Dans un contexte marqué par la désillusion, l’hostilité ou l’incertitude, répondre aux besoins des jeunes suppose de penser la protection comme un processus, et non comme une offre immédiate.

C’est ce que propose ce rapport, à retrouver en entier en ligne : La protection des enfants non accompagnés à la frontière franco-britannique. Réfelxions des acteurs de terrain oeuvrant auprès des MNA en errance.

Ces enfants ne sont pas seulement « en transit » : ils sont là, vulnérables, et leur droit à la protection doit être garanti ici et maintenant.

Reconnaître leur présence et leurs besoins, c’est respecter le principe fondamental selon lequel tout enfant isolé est avant tout un enfant en danger.

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Ce rapport revient sur les pratiques mises en places par les associations et comment elles ont adapté leurs interventions. Pour la protection de ces jeunes, nous demandons :

  • l’ouverture de voies de passage sûres pour toutes et tous, avec une attention pour les mineur·es non accompagné·es ;
  • une nouvelle approche de la part de la protection de l’enfance afin d’assurer une effectivité des droits des enfants à la frontière ;
  • la création d’un dispositif spécialisé pour les MNA à la frontière dans le département du Nord ;
  • la reconnaissance et la professionnalisation de l’aller-vers dans le travail social à la frontière ;
  • l’amélioration de l’articulation entre les acteurs institutionnels et l’expertise terrain des associations citoyennes ;
  • mieux appréhender et lutter contre les phénomènes d’emprise et la Traite des êtres humains (TEH) ;
  • et le développement de l’accompagnement juridique spécialisé.