Nous vous partageons les témoignages de Adja, Awa, Divine, Mulumba et Lucie. Toutes sont hébergées depuis plusieurs semaines, voir mois dans notre réseau d’hébergement d’urgence.

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Adja* est arrivée en France il y a un peu plus d’un an. Elle était seule avec sa fille, Nelma*, dix ans, et s’est retrouvée directement à la rue. Neuf mois plus tard, Adja accouchait d’un petit garçon, pourtant leur situation n’a pas évolué. La famille est hébergée par notre réseau d’hébergement d’urgence depuis février dernier.

Nous sommes, mes deux enfants et moi, arrivés en France le 17 avril 2024 et nous sommes partis de Côte d’Ivoire en 2022.

Au début, ma fille et moi avons dormi sous des camions, dans un garage, dans une église quand il pleuvait, ou encore à l’hôpital, là où il y avait de la place, souvent par terre. Nous avons appelé à chaque fois le 115 et il y a rarement eu de réponse favorable. Nous sommes totalement bloqués, sans logement, mon mari ne peut pas avoir de travail et mes enfants ne peuvent pas vivre dans des conditions stables et sûres. La petite va à l’école depuis cette année et elle se débrouille très bien.

C’est très compliqué car je m’inquiète beaucoup pour mon bébé : il tombe souvent malade comme nous n’avons pas de toit, et nous avons besoin de pouvoir avancer dans la vie, gagner de l’argent pour vivre correctement. Voilà pourquoi nous souhaitons une stabilisation et espérons encore un avenir pour notre famille, je prie pour nous.

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Awa* a 26 ans, elle est arrivée en France où elle a retrouvé son conjoint, il y a un an. Le couple a aujourd’hui un bébé de quatre mois, et n’est plus considéré prioritaire par le 115. Elle est hébergée par notre réseau d’hébergement d’urgence depuis mai.

J’ai fui un mariage forcé en Côte d’Ivoire. J’ai vécu deux ans au Maroc, là-bas, j’ai pu gagner de l’argent pour payer mon voyage et arriver en France. Je n’avais nulle part d’autre où aller.

Lorsque je suis arrivée, j’ai retrouvé mon conjoint actuel. Nous nous étions rencontrés en 2016 dans mon village mais ne pouvions être ensemble car j’étais mariée. Lui-même orphelin, il n’avait pas non plus les moyens pour que l’on vive correctement. Lorsque je suis arrivée en France, en mai 2024, nous avons, mon conjoint et moi, été hébergés par le 115 pendant que j’étais enceinte, puis jusqu’à ce que ma fille ait trois mois.

Après cela, nous avons perdu notre statut prioritaire et nous n’avions plus de moments où nous pouvions, avec chance, être hébergés par le 115. Nous avons été dehors jusqu’à aujourd’hui où nous sommes à Bagnolet auprès d’Utopia 56. J’espère que nous pourrons avoir une situation stable pour que je puisse protéger ma fille, qu’elle aille à l’école et que je puisse étudier, et enfin pour que nous puissions être indépendants et en sécurité.”

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Divine* a 37 ans, elle vit en France depuis deux ans. Depuis son arrivée, elle n’a connu que la rue, et a désormais de nombreux problèmes de santé, qui s’aggravent de jour en jour. Elle est hébergée par notre réseau d’hébergement d’urgence depuis un mois.

Je viens d’Afrique du Sud, je suis ici depuis le 2 juillet 2023. Quand je suis arrivée, j’avais fait la demande d’asile en moins d’une semaine. Je n’avais pas où aller, où m’accueillir. On m’avait pris, j’avais eu un logement, mais tout ce que j’ai fait avec l’OFII et l’OFPRA n’a pas marché.

Depuis, je suis dans la rue, et je ne supporte pas les conditions de la rue. Je le porte sur mon corps. Malgré les examens je me réveille tous les jours avec des douleurs. Je ne supporte pas les conditions dans lesquelles je dors, je respire mal, je mange mal. Je n’ai pas d’argent, pas de travail. J’ai été coiffeuse avant.

Si l’État français pouvait nous donner la chance de nous intégrer, je souhaiterais qu’on nous donne des places, pour pouvoir travailler. Mon premier souci, c’est l’hébergement et le travail. Je n’ai pas d’aide, ça me fait très mal.”

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Mulumba* a 32 ans, elle vit en France depuis cinq ans, avec ses filles de cinq ans et un an et demi. Elle les élève seule, entre la rue, les accueils de jour et les solutions d’hébergement d’urgence. Sa fille aînée est scolarisée à plus d’une heure en transports de Paris. Elle est hébergée par notre réseau d’hébergement d’urgence depuis deux mois.

“Cela fait cinq ans que je suis en France, je n’ai pas de ressource, alors que j’ai des enfants à nourrir, je me débrouille toute seule avec mes enfants, j’ai fait des petits jobs pour nourrir, mais je suis dans la rue avec eux. Mes enfants vont à l’école, et malgré ça je suis dans la rue. J’aide bénévolement des personnes âgées 2h par semaine avec ma fille.

Je veux juste qu’on me donne un hébergement digne avec mes enfants. Tous les jours, je prends des médicaments. Il faut penser à nous, nous sommes dehors. Il nous faut des places, il faut nous aider.”

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Lucie* a 48 ans. Elle est arrivée en France en 2019, et est toujours en demande de titre de séjour. Malgré son espoir d’être accueillie par des proches, elle a été en réalité exploitée et maltraitée, avant d’être jetée à la rue. Elle est hébergée par notre réseau d’hébergement d’urgence depuis trois semaines.

Je suis arrivée en France en 2019. J’ai toujours rêvé de connaître la France. Petite, je contemplais les avions en me disant que j’aimerais un jour partir découvrir ce pays. Là où je vivais en Côte d’Ivoire, j’ai toujours été très accueillante pour mes proches. Ainsi, je pensais que ce serait également le cas en France, que je pourrais être hébergée par les membres de ma famille le temps que je me fasse une situation, que je trouve un travail, un logement, et que je m’occupe des démarches administratives. À l’inverse, j’y ai trouvé un accueil froid. À chaque fois, j’ai fini à la rue, victime de cet accueil incertain, fragile et pénible.

Depuis, je suis parfois hébergée avec le 115, à la cité des Dames, ou à Bagnolet avec Utopia 56. Cette situation est difficile, il est très dur de pouvoir avancer alors que je ne sais jamais où je pourrai dormir la prochaine nuit, mais je ne perds pas espoir car j’ai beaucoup d’amour pour la France et je sais que cet amour pourra s’exprimer quand j’aurai une situation stable, je pourrai même accueillir les gens qui sont en difficulté. Voilà pourquoi j’espère que les choses s’arrangeront. Je suis convaincue que si c’est le cas, tout ira pour le mieux.”

*Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat.