Dans le nord de la France, entre Calais et Grande-Synthe, la stratégie de dissuasion et de harcèlement des personnes exilées cherchant à rejoindre l’Angleterre est de plus en plus violente.

Sous le prétexte de la protection des frontières, des violences policières liées aux traversées nous sont relatées régulièrement. Alertée sur ces violences, Utopia 56 a, entre le 6 et le 7 juillet, saisi par 3 fois le collège chargé de la déontologie de la sécurité de la Défenseure des Droits. Voici les trois témoignages recueillis par les équipes d’Utopia 56 Calais et Grande-Synthe : 

  1. La nuit du 4 au 5 juillet, l’équipe d’Utopia 56 à Calais a été appelée par un groupe de 35 personnes dont 6 mineurs et une famille avec un enfant de 5 ans. Ce groupe tentait de partir en Angleterre depuis Calais par bateau. A une quinzaine de mètres des côtes, il a vu arriver la police à pied, qui après avoir fait usage de gaz lacrymogènes, a lacéré le bateau à coups de couteaux jusqu’à ce que celui-ci ne coule. Le groupe a ainsi été contraint à retourner sur la plage tandis que la police continuait d’utiliser du gaz.

    M., un homme de 24 ans a été frappé à coups de matraque, mis au sol, la tête écrasée par le pied d’un policier puis menotté et arrêté. Plusieurs autres personnes rapportent avoir été frappées. La famille a été emmenée à l’hôpital. » Nous étions sur la plage. La police a pulvérisé une substance qui brûle l’œil et le visage . Nous leur avons dit que nous avions un enfant mais la police s’en fichait, ils nous ont battu, battu M. et l’ont arrêté. C’était un traitement brutal avec nous et ils ont aspergé l’enfant avec la “super-substance” « , A. une des personnes présentes sur la plage.

  2. Un jeune mineur de 15 ans  raconte que, le 3 juillet, il était en voiture avec 6 autres personnes dont sa mère pour rejoindre une embarcation vers l’Angleterre aux alentours de Calais. Il dit qu’une voiture de police a tenté de renverser leur véhicule. Les policiers menottant tout le monde, lui et un ami ont fait semblant d’être malades afin de ne pas être arrêtés. Mineurs, ces deux jeunes affirment que la police les a laissés devant un hôpital après les avoir à nouveau frappés et insultés. La mère et les 4 autres personnes ont été emmenées, puis libérées sans avoir pu récupérer leur argent et leurs téléphones, confisqués par la police.

  3. Le 6 juillet au matin, un groupe de 60 personnes est interpellé dans les dunes, suite à une tentative de passage près de Leffrinckoucke. Un homme de 32 ans dit s’être fait tirer dans la cheville par des policiers avec ce qui semble être un flashball. “L’officier de police il m’a juste tiré dessus avec une balle en plastique (un flashball) et il m’a tapé avec un bâton et voilà, je lui ai dit ‘tu peux appeler l’ambulance’, et il m’a dit ‘je ne ressemble pas à un chauffeur de taxi, tu as un téléphone. Tu peux appeler l’ambulance’ ”. C’est notre équipe présente sur place après avoir été appelée par le groupe qui finira par contacter les urgences. L’homme ajoute que certains policiers, en plus de lui avoir tiré dans la cheville, l’auraient frappé alors qu’il était au sol en l’insultant de “fils de pute dans sa langue natale, le sorani. Le rapport des urgences confirme un hématome à la cheville.

Avec, à ce jour, 959 expulsions de lieux de vie informels entre les villes du Calaisis et du Dunkerquois depuis le 1er janvier 2022 (Source Human rights Observers), les personnes exilées sont quotidiennement harcelées par les forces de l’ordre. Dans le même temps, la militarisation de la frontière et l’absence de voies de passage sûres vers l’Angleterre rendent les tentatives de traversées de plus en plus dangereuses et l’intervention des forces de l’ordre de plus en plus violente.